Joséphine, l'obsession de Napoléon
ans, le reprenant et le remaniant sans cesse, ajoutant ou retranchant des personnages. Il avait ainsi dû y inclure, sur ordre impérial, la mère de l’Empereur, qui n’avait pourtant pas assisté aux cérémonies. Et c’étaient désormais les dames de la cour qui avaient porté la traîne de Joséphine et non plus les princesses Bonaparte.
Pour Napoléon aussi, l’ivresse du sacre avait rejeté le reste de l’Europe dans un brouillard irréel. Il projetait, en effet, d’envahir l’Angleterre et toute une flotte attendait à Boulogne d’aller punir la perfide Albion pour ses péchés ; elle ne pouvait attendre indéfiniment. Le plus urgent cependant était « la question d’Italie ». Napoléon était président de la République cisalpine, qu’il avait créée et qui représentait à peu près la vallée du Pô. Il décida d’en faire un royaume et, dès 1804, de l’offrir à Joseph ; mais, comme la couronne d’Italie serait distincte de celle de France, Joseph vit s’évanouir ses espoirs fuligineux de succession au trône de son frère ; après avoir accepté cette couronne, il la refusa. Napoléon songea ensuite à désigner le fils de Louis et d’Hortense, le petit Napoléon Louis Charles, avec Louis comme régent. Celui-ci rejeta la proposition avec indignation : une rumeur prétendait, en effet, que l’enfant était le fils de Napoléon lui-même ; en fait, ce ragot venimeux autant qu’invraisemblable et même monstrueux avait été lancé par Lucien. Si Hortense avait été tentée par l’infidélité, l’heureux élu eût été Charles de Flahaut, Joséphine le savait. Mais l’affection que portait l’Empereur à ses petits neveux, Napoléon Louis Charles et Napoléon Louis, sa manière de rire aux éclats avec eux et de leur barbouiller le visage de confiture faisait jaser. Ces ébats étaient plus dignes d’un père que d’un oncle.
Joséphine suivait ces péripéties d’un oeil inquiet, tentant de garder la tête froide dans le flot continu d’intrigues où l’ambition se mêlait à la vilenie et la sottise à la haine.
Napoléon décida donc de demander pour lui la couronne de Fer, celle qu’avait portée jadis Charlemagne, également roi d’Italie. Et il désigna un vice-roi, Eugène, qu’il venait d’adopter comme « Fils de France ». Le 1 er février 1805, en effet, Eugène avait été nommé prince d’Empire, archichancelier d’État avec le titre d’Altesse sérénissime. Le décret impérial fut enregistré au Sénat, sur communication de l’Empereur, qui le désignait « enfant de notre adoption ».
Une fois de plus, le clan des Bonaparte entra en éruption. Eugène de Beauharnais était adopté ? Il deviendrait donc l’héritier du trône ? Les récriminations fusèrent.
Napoléon n’en avait cure.
Il assoirait sa dynastie contre vents et marées et surtout les humeurs peccantes de son clan. Il organisa une sorte de second sacre.
Né le 11 octobre 1804, le petit Napoléon Louis, le puîné d’Hortense et de Louis, n’avait pas encore été baptisé. Et le 24 mars, Pie VII était encore à Paris ; sans doute y trouvait-il de l’agrément, mais surtout s’attachait-il à rebâtir l’Église de
France, dévastée par la Révolution. Napoléon lui assigna une tâche de plus : baptiser le petit prince.
Ce fut l’occasion d’une cérémonie fastueuse de plus, évidemment organisée par l’Empereur lui-même. Elle eut lieu le 24 mars 1805.
Toute la famille impériale en bonnes grâces y fut convoquée, à l’exception de Caroline qui, deux jours plus tôt, avait donné naissance à une fille, Louise Julie Caroline. L’épouse de Murat avait demandé que celle-ci fût baptisée avec son cousin. Napoléon refusa. Il n’était pas en humeur de faire plaisir à sa soeur après les éclats de celle-ci, et d’ailleurs le baptême qu’il avait voulu était un acte politique ; or, comme il l’avait dit et répété, les femmes n’avaient rien à voir en politique. Néanmoins, Madame, mère de Sa Majesté l’empereur et roi, rejoignit le palais des Tuileries avec sa maison d’honneur, Mmes de Fontanges, de Saint-Pern, Davout, Soult et Junot, son chambellan le duc de Cossé-Brissac, et son premier écuyer, le général Bonnin de la Bonninière de Beaumont, qui ne devinait guère le rôle qu’il jouerait un jour.
À 15 heures, après un en-cas, deux trains d’équipages convergèrent vers Saint-Cloud, celui de la maison impériale
Weitere Kostenlose Bücher