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Joséphine, l'obsession de Napoléon

Joséphine, l'obsession de Napoléon

Titel: Joséphine, l'obsession de Napoléon Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gérald Messadié
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fait tache dans la prose généralement claire de Laure d’Abrantès ; sans doute le galimatias s’explique-t-il par la perplexité des témoins. En effet, une autre mémorialiste, Mme de Rémusat, nous raconte qu’après avoir couronné Joséphine, il enleva la couronne un moment, considéra de nouveau Joséphine et replaça la couronne une fois de plus sur la tête de celle-ci.
    À quoi pouvaient bien rimer ces va-et-vient de couronne, une fois posée sur sa propre tête, ce qui ne correspond strictement à aucun protocole, et deux fois sur celle de Joséphine ? L’histoire n’a retenu que le premier geste de Napoléon, se couronnant lui-même, au lieu de laisser faire le pontife qu’il avait convoqué pour cela, et elle s’est émerveillée sans fin d’une arrogance qu’elle a jugée héroïque. Or l’héroïsme est douteux : il s’agit d’un défi jeté à l’autorité pontificale, Napoléon clamant ainsi au pape : « Ce n’est pas toi qui me couronnes, c’est moi-même ! » Ce qui signifiait également : « Ce n’est pas Dieu qui me couronne par ta main, c’est moi-même ! » À quoi bon alors avoir tant insisté pour obtenir la présence du pape ? Mais la suite défie l’interprétation, car on peine à saisir le symbolisme, s’il y en a un, du geste consistant à coiffer soi-même une couronne de femme avant de la poser sur la destinataire.
    Il semblerait plutôt que, enivré par sa propre apothéose, Napoléon ait perdu le sens de la situation et se soit comporté de façon erratique.
    Après avoir déposé un baiser sur la joue de l’Empereur et déclaré : « Vivat imperator in aeternum ! », le pape avait alors évacué les lieux, escorté par le reste du clergé, et s’était replié sur la sacristie, pour ne pas paraître complice de ces extravagances. On regrettera qu’aucun mémorialiste n’ait recueilli la réaction du Saint-Père.
    La suite de la cérémonie ne fut pas plus édifiante. Dans sa folie des grandeurs, Napoléon avait prévu que le couple impérial irait prendre place sur des trônes, juchés sur une estrade au-dessus de la grande porte de la cathédrale. Autre défi que de s’installer sous la grande rosace, comme un Christ en majesté.
    Il fallait pour cela gravir vingt-quatre marches. À un certain moment, les princesses Bonaparte lâchèrent la lourde traîne et, soudain tirée en arrière par le poids de celle-ci, Joséphine chancela. Napoléon s’en avisa. Un ordre bref claqua, et les impertinentes reprirent la traîne en main. Elles avaient cru se venger ; elles avaient fait bon marché de la vigilance de leur frère.
    Les corps législatifs montèrent là-haut faire prêter serment à l’Empereur, qui jura donc de sauvegarder l’intégrité des territoires de la République, de maintenir les libertés politiques, civiles et religieuses et rappela le caractère irrévocable de la vente des biens nationaux.
    Sa voix porta loin dans l’auguste nef. Le chef des hérauts clama :
    — Le très glorieux et très auguste empereur Napoléon, Empereur des Français, est couronné et intronisé !
    Les canons tonnèrent, les cloches sonnèrent. Et le cortège impérial sortit de la cathédrale : empereur, impératrice, princes, princesses, dignitaires, chambellans, écuyers, pages, scintillant à la lumière des cinq cents torches portées par les pages.
    Napoléon dîna en tête à tête avec Joséphine. Il lui demanda de garder sa couronne sur la tête, car personne ne pouvait la porter avec tant de grâce.
    Après le dîner, le couple impérial reçut les hommages des dignitaires et des corps constitués. Puis il se retira dans ses appartements.
    Napoléon coucha dans le sien. Joséphine dormit seule. Après la pompe et le fracas, la solitude.

 
    30
 
« Nonon le Soldat »
    L’an neuf 1805 ramena Joséphine et Napoléon aux réalités de ce monde.
    Exaltant la toute-puissance de son époux et son propre personnage de protectrice de l’Empire, la fantasmagorie du sacre avait ébloui la France, mais elle n’avait pas définitivement réglé le problème de la succession, dont dépendait le statut de l’Impératrice. Le risque d’un remariage avec une femme capable d’assurer la descendance de l’Empereur existait toujours.
    La plus parfaite illustration des incertitudes flottant autour du trône était sans doute la difficulté du peintre Jacques Louis David à achever son fameux tableau, Le Sacre de Napoléon ; il y mit quatre

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