Joséphine, l'obsession de Napoléon
Fouché –, et Fouché fut nommé duc d’Otrante, bien que peu de gens vissent un rapport entre le chef de la police et ce port lointain ; sans doute le choix impérial s’expliquait-il, comme l’observa Talleyrand, par le fait que cette ville se trouvait à l’extrémité du talon de la botte italique… Une injure, quoi.
Bref, toutes les prétentions républicaines du général Vendémiaire étaient foulées aux pieds.
Junot, pour sa part, échappa de peu à un titre qui eût beaucoup fait rire : il faillit être nommé duc de Nazareth, en référence à ses exploits pendant la campagne d’Orient ; mais Napoléon y renonça, songeant que son cher Général La Tempête serait alors appelé « Junot de Nazareth »… Le général s’en tira avec le titre de duc d’Abrantès.
Ces facéties aristocratiques ne déridèrent que peu de temps une cour où régnaient le reste du temps l’ennui et la peur, selon Mme de Rémusat.
Joséphine devint une veuve virtuelle. L’homme qu’elle avait aimé et qui avait tant protesté de son amour n’existait plus. S’il n’avait pas encore déclaré son intention de divorcer, c’était par superstition, elle le savait, puisque c’était son propre cas. Leur passion était éteinte depuis longtemps et le vent en avait dispersé les cendres, mais chacun d’eux portait en lui une part de l’autre ; y renoncer équivaudrait à une amputation ou une mort prématurée, comme on voit chez ces veufs de bonne santé qui suivent pourtant les époux défunts dans la tombe quelques mois plus tard.
Ils furent déchirés et contradictoires : d’une part, ils aspiraient à mettre fin à une situation pénible et, de l’autre, ils en appréhendaient les conséquences. Affrontant le délire politique de leur maître et prévoyant qu’il ne saurait durer longtemps, Talleyrand et Fouché pressèrent l’Empereur de prendre enfin une décision, afin de doter le trône d’un héritier légitime. La chute de l’Empire serait pour eux un désastre, le retour des Bourbons, un autre.
Un dimanche après la messe, à Fontainebleau, où Napoléon avait transféré la cour, Fouché demanda un entretien à l’Impératrice. Il lui représenta que c’était à elle de prendre l’initiative et de faire « le sacrifice inévitable » de proposer le divorce.
Elle s’empourpra, puis devint très pâle :
— Est-ce l’Empereur qui vous a chargé de me dire cela ? Tel n’était pas le cas, assura-t-il.
— Dans ce cas, je ne vous dois point de réponse.
Elle considérait, poursuivit-elle, que son lien avec Napoléon était inscrit dans les plus hautes destinées et qu’elle n’en discuterait qu’avec lui. C’était en fait une dérobade. Mais, quand elle demanda à Napoléon si c’était lui qui avait chargé Fouché de la démarche, il désavoua ce dernier et réagit par une autre dérobade :
— Tu sais très bien que je ne pourrais pas vivre sans toi.
À Sainte-Hélène, il dirait plus tard qu’à son retour de Tilsit il avait été tellement convaincu de sa destinée que le divorce et son remariage lui étaient apparus comme inévitables. Peut-être est-ce vrai ; l’ambassadeur d’Autriche, le comte Clemens von Metternich, informa Vienne que, depuis son retour de Tilsit, Napoléon témoignait de la froideur ou de l’embarras à l’égard de sa femme et que plusieurs de ses habitudes quotidiennes avaient changé. La contradiction qui habitait Napoléon fut en tout cas assez intense pour qu’il écrivît à Fouché, le 5 novembre 1807, la missive suivante :
Monsieur, depuis quinze jours il me revient de votre part des folies ; il est temps que vous y mettiez un terme et que vous cessiez de vous mêler, directement ou indirectement, d’une chose qui ne saurait vous regarder d’aucune manière : telle est ma volonté.
Mais il en eût fallu bien davantage pour conjurer un événement qui pendait en l’air comme une épée de Damoclès. Les rapports des ambassadeurs étrangers précisaient même que la prochaine épouse de Napoléon serait la soeur du tsar Alexandre, ce qui garantirait enfin la paix conclue à Tilsit.
La question du divorce était devenue un sujet de politique internationale.
Et le trône restait sans héritier officiel, à l’exception du petit Napoléon Louis.
Mais ce dernier venait de disparaître de la liste : son père, Louis, demanda de La Haye qu’on le lui renvoyât. Le garçonnet avait alors trois ans.
— Que
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