Joséphine, l'obsession de Napoléon
disparu de son esprit, cet esprit jadis si clair qui semblait à présent embrumé de vapeurs toxiques : il dit à Metternich que, si la chance tournait contre lui, il entraînerait volontiers la société avec lui dans sa chute.
— Un homme tel que moi, ajouta-t-il, ne se soucie pas beaucoup de la vie d’un million d’hommes.
Même ses maréchaux, Macdonald, Augereau et Davout, commençaient à douter de sa santé mentale. L’état de Joséphine se détériora. Elle pleurait sans cesse, rongée d’inquiétude sur le sort d’Eugène, qui avait remplacé Murat comme lieutenant de l’Empereur sur le front de l’est. Elle interrogeait fiévreusement tous les visiteurs qui venaient de Paris.
En août 1813, une victoire des troupes impériales à Dresde laissa une fois de plus espérer que la situation se rétablirait. Mais en octobre, coup fatal : l’armée française, pourtant forte de cent soixante mille hommes, se trouva encerclée. Les alliés remportaient à Leipzig la bataille des Nations. Le carnage y fut affreux : cent mille hommes y tombèrent. Napoléon fut repoussé sur le Rhin.
Ces gens ne voulaient-ils donc que la guerre ? N’allaient-ils pas signer la paix ? Ou bien attendaient-ils que le dernier homme du monde fût mort ?
« Votre chagrin sera toujours le mien », écrivit Joséphine à Napoléon.
Or, en juin, les pourparlers de paix à Prague avaient échoué. Napoléon avait refusé les propositions de retour de la France à ses anciennes frontières. Les puissances alliées avaient été trop harcelées par l’Ogre. C’était l’hallali qui sonnait.
En attendant, l’Europe napoléonienne s’écroulait. La Confédération du Rhin s’était défaite. Les États du Nord et de l’Est reconstituaient leurs frontières entre eux, sans recourir aux arbitrages de Napoléon.
L’horrible année 1813 s’acheva ponctuellement sur un nouveau désastre : le 31 décembre exactement, Prussiens, Autrichiens et Russes franchissaient le Rhin. Puisque Napoléon n’avait pas voulu que la France reprît ses anciennes frontières, eh bien, ils effaceraient celles-ci. Les troupes alliées se dirigeaient sur Paris. On se battait maintenant en Champagne.
Le dimanche 23 janvier 1814, aux Tuileries, Napoléon reçut la Garde nationale à laquelle il confia les deux impératrices et son fils. La régence était donnée à Marie-Louise. Le lendemain, il les embrassa et partit pour Châlons. C’était la dernière fois que Joséphine le verrait.
Elle reçut cependant une lettre où il lui demandait d’écrire à Eugène, afin qu’il ramenât l’armée d’Italie à la défense du pays. Le lieutenant, c’était donc elle. « Accours, écrivit-elle, chaque instant est précieux. »
Les Prussiens et les Autrichiens descendaient sur la capitale par les vallées de la Marne et de la Seine. Vainqueur à Brienne, Napoléon fut vaincu à La Rothière. Metternich tenta d’intervenir pour obtenir un armistice et la paix ; en vain.
À 10 heures du matin, le 25 janvier, Marie-Louise, le roi de Rome, sa cour, les Bonaparte, Talleyrand et Cambacérès partirent pour la vallée de la Loire, en direction de Blois, dans un interminable convoi de voitures chargées de bagages. Le carrosse du couronnement était chargé à ras bord de malles et coffres. Joséphine et Hortense, elles, songèrent à partir pour la Martinique, mais se mirent en route pour le château de Navarre.
Mlle Avrillion avait cousu les diamants et les perles de sa maîtresse dans les ourlets de ses vêtements, car elles craignaient d’être dévalisées en route par les envahisseurs. Mme de Rémusat portait déjà une cocarde blanche, de la couleur des Bourbons. Joséphine l’apprendrait plus tard, sa dame d’honneur avait participé aux manoeuvres de Talleyrand pour mettre le prétendant, Provence, sur le trône de son frère.
Le 31 mars 1814, les alliés entraient dans Paris. Le 1 er avril, leurs cavaleries défilèrent sur les Champs-Élysées, en direction des Tuileries.
Le 3 avril, Joséphine en fut informée ; elle poussa un cri et s’effondra en larmes.
Un gouvernement provisoire dirigé par Talleyrand, qui était revenu à Paris, déposa l’Empereur.
Le 6 avril, à Fontainebleau, ses généraux prièrent Napoléon d’abdiquer en faveur de son fils. Il crut que l’empereur d’Autriche, son beau-père, viendrait à son aide. Point. Il s’inclina le 11 avril.
Le tsar Alexandre était à Paris depuis le 1 er
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