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Joséphine, l'obsession de Napoléon

Joséphine, l'obsession de Napoléon

Titel: Joséphine, l'obsession de Napoléon Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gérald Messadié
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tout, le 28, le roi de Sardaigne signait l’armistice de Cherasco et cédait la Savoie et Nice à la France. Le Moniteur était devenu le journal de Bonaparte : il était plein de ses exploits.
    L’éclat de ces victoires rejaillit sur Joséphine et la couronna d’un diadème d’étoiles immatérielles. Elle ne pouvait plus se montrer nulle part, au théâtre, au concert, au restaurant, sans qu’on l’acclamât, et comme elle se montrait partout, Paris résonna des louanges de celle qu’on appelait « Notre-Dame des Victoires », pendant de Thérésa était surnommée, quant à elle,
    « Notre-Dame de Thermidor ».
    Joséphine ne pouvait oublier son époux : il lui écrivait chaque jour, et quelles lettres ! Témoin celle-ci, du 24 ventôse, trois jours après son départ :
    Chaque instant m’éloigne de toi, adorable amie, et chaque instant je trouve moins de force pour supporter d’être éloigné de toi. Tu es l’objet perpétuel de ma pensée.
    Le 5 floréal :
    Tu as été bien des jours sans m’écrire. Que fais-tu donc ? Oui, ma bonne amie, je suis, non pas jaloux, mais quelquefois inquiet. Viens vite ; je te préviens, si tu tardes, tu me trouveras malade. […] Mais tu vas revenir, n’est-ce pas ? Tu vas être ici, à côté de moi, sur mon coeur, dans mes bras, sur ma bouche… Un baiser au coeur et puis un peu plus bas, bien plus bas !
    Ces deux derniers mots avaient été soulignés avec tant de vigueur que la plume avait presque déchiré le papier.
    Les adresses étaient bizarrement libellées ; la première lettre fut ainsi adressée « À la citoyenne Beauharnais », ce qui était inexact puisqu’elle était désormais l’épouse Bonaparte. La deuxième fut encore plus étrange : « À la citoyenne Bonaparte, aux bons soins de la citoyenne Beauharnais, rue Chantereine. » Le général ne semblait pas s’être fait à l’idée que Joséphine était sa femme.
    Elle répondait de temps en temps, mais pas à chaque fois, elle eût dû y consacrer son temps, et il y avait tant de plaisirs qui lui tendaient les bras ! Ces débordements de passion épistolaire lui paraissaient délirants, et quand le général Murat en personne vint lui remettre l’une des lettres de son chef, elle la décacheta et la lut sous ses yeux : son époux, rongé de soupçons, la menaçait du poignard d’Othello !
    — Qu’il est drôle, Bonaparte ! s’écria-t-elle.
    Elle peinait encore à se convaincre que cet homme était fou d’elle.
    Plus d’un siècle plus tard, d’innombrables auteurs ont retranscrit l’inaltérable passion de Bonaparte pour cette femme mûre, même quand il fut devenu Napoléon et que toutes les beautés de Paris faisaient son siège. Peu s’en sont étonnés. Quelques-uns ont mis cette constance quasi obsessionnelle sur le compte du désir d’ascension sociale du petit provincial et de sa fascination pour les prestiges de l’Ancien Régime ; mais cette fascination eût dû prendre fin avec l’accession de Napoléon au pouvoir suprême. En tout cas, elle seule ne résout pas l’énigme.
    Peut-être celle-ci peut-elle s’expliquer par les images. Si l’on compare le portrait de Joséphine par Andrea Appiani et celui de Laetitia Ramolino, la mère de Bonaparte, par François Gérard, on ne peut manquer d’être saisi par leur ressemblance : c’est presque la même femme. N’ayant ni compétences ni goût pour les psychanalyses posthumes, nous nous bornerons à signaler cette singularité, car il est douteux qu’elle soit insignifiante. La licence de l’historien se tiendra à évoquer les rapports ambigus de Bonaparte avec sa mère, dont il apprit en 1790 la liaison avec le gouverneur Marbeuf, à l’époque de sa naissance (il combla plus tard Marbeuf d’honneurs) ; il soupçonnait donc qu’il était un enfant illégitime. On peine à rejeter l’hypothèse qu’il ait retrouvé en Joséphine une image idéalisée et rajeunie de sa mère, ennoblie par les manières de l’Ancien Régime.
    Joséphine devint ainsi l’irremplaçable objet de son désir. Elle incarna un rêve secret et la sécurité. Maintes femmes étaient désirables, aucune ne ressemblait autant à Laetitia.
    Joséphine, en tout cas, ne pouvait être consciente de cette ressemblance, car elle n’avait pas encore rencontré sa belle-mère. Son instinct de femme aurait peut-être déchiffré obscurément la passion furieuse de Bonaparte longtemps après qu’il fut devenu son

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