Joséphine, l'obsession de Napoléon
camp de son frère. Ce dernier les découvrit un soir, derrière un paravent, dans une position explicite. Il exigea que la donzelle et son amant fussent mariés sans tarder. Pauline commençait ainsi une grande carrière.
L’occasion pour Joséphine était trop belle de manifester son pouvoir : elle décida d’une cérémonie conjointe de mariages religieux des deux couples civils. Le faste en fut mémorable et un bal consacra le bonheur désormais licite des conjoints. Quasi-souverain d’Italie, Bonaparte dota superbement ses soeurs, promut leurs époux et, pour ne plus avoir à souffrir la présence du médiocre Bacciocchi, l’envoya en poste à Ajaccio.
Marie-Annonciade, dite Caroline, était trop jeune pour participer à des vindictes de femelles.
Quant aux frères de Bonaparte que Joséphine ne connaissait pas, Lucien, Jérôme et Louis, ils ne firent que passer en coup de vent.
Le séjour au palais Mombello eut été idyllique, la splendeur de l’été italien coïncidant avec le rayonnement grandissant de Bonaparte. La paix et même la félicité s’instaurèrent entre les époux : Joséphine semblait se plier au personnage souhaité par son mari et s’attachait à embellir un cadre déjà exquis ; elle faisait planter des parterres de fleurs et garnissait les pièces d’eau de son oiseau favori, le cygne.
Promu capitaine du 1 er hussard, Hippolyte Charles avait quitté les lieux après une triste et bouffonne histoire de chiens : Fortuné, l’insupportable animal de Joséphine, avait payé de sa vie son humeur agressive dans une bagarre avec le chien du cuisinier ; sa maîtresse en avait pleuré et Charles lui avait offert un remplaçant, qui n’avait pas non plus la faveur de Bonaparte.
Rencontrant un jour le général dans le parc, le cuisinier jura sa contrition et l’informa que son chien meurtrier n’était plus admis dans la propriété.
— Non, ramenez-le, ordonna Bonaparte, il me débarrassera peut-être de l’autre.
La vie au palais enchantait hommes et femmes, fort jeunes pour la majorité d’entre eux, et qui découvraient les délices du climat italien. Après les tâches de la journée et un en-cas, les ambassadeurs étrangers, les invités du général et de sa femme, les officiers et leurs épouses et compagnes faisaient la sieste, puis se préparaient pour le dîner, présidé par le général, toujours en uniforme, Joséphine en robe de mousseline blanche et le front ceint d’une guirlande de gui ; la seule incommodité de ces agapes était l’assourdissante musique militaire exécutée sur l’ordre de Bonaparte. Dans la soirée, Joséphine emmenait ce monde sur la terrasse, déguster du café ou des glaces en s’émerveillant des lucioles. Quelques voyages à Florence, à Livourne, à Bologne, à Mantoue, en compagnie de son époux rompirent agréablement la routine de la vie au palais.
Mais tout cela n’était qu’un provisoire qui se prolongeait. Cette période eût dû, pour Bonaparte, refléter l’épanouissement nourri par la gloire militaire et le bonheur conjugal, dans le décor paradisiaque de l’été italien. Il n’en fut rien : les faveurs de la fortune chauffèrent son ambition. De surcroît, il était souvent pris d’accès de fièvre qui secouaient tout son corps ; avait-il contracté une fièvre quarte ? Paradoxalement, ces accès durcirent sa volonté, comme le combat nocturne avec le Tout-Puissant au bord du Yabboq avait exalté la volonté de Jacob.
Sa position en Italie, à la tête d’une armée qui lui était désormais dévouée corps et âmes, devenait de plus en plus étrange au regard de la République.
En premier lieu, les hostilités étant interrompues depuis le traité de Leoben, le général et l’armée d’Italie s’attardaient plus que de raison à l’étranger. Le Directoire et les Conseils s’interrogeaient sur l’absence prolongée d’un serviteur supposé de la Nation, qui n’en faisait plus qu’à sa tête. Vivant aux frais des territoires occupés, cette armée était devenue quasiment indépendante.
En second lieu, les hostilités avec l’Autriche avaient bien été suspendues, mais la paix n’avait pas été signée. Le Directoire avait compris que Bonaparte entendait la conclure en son nom propre ; certes, il le ménageait désormais beaucoup, mais là, c’eût été lui concéder le rang d’un chef d’État et consacrer sa primauté dans la République.
La situation en France lui fut
Weitere Kostenlose Bücher