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Journal de Jules Renard de 1893-1898

Journal de Jules Renard de 1893-1898

Titel: Journal de Jules Renard de 1893-1898 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Renard
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chevrotines de sa mort.
La pie voletait, vêtue en soeur de charité.
D'autres ne s'écoutent pas parler : eux ne se voient pas écrire.
    1er août.
Un petit garçon qui traite une petite fille de vieille menteuse.
La terre rapiécée comme une culotte de pauvre.
Claretie et son style humide qui se décolle tout le temps.
S'il fait beau et que mon baromètre baisse, je ne goûte plus le beau temps.
La mort de mon père, c'est pour moi comme si j'avais fait un beau livre.
4 août.
Les nuages sont comme les pensées, les rêveries, les cauchemars du ciel.
C'est assez singulier qu'aucun de nous ne sache sa grammaire et, pour être écrivain, ne veuille apprendre à écrire.
5 août.
Je suis un homme du Centre de la France, à l'abri des brumes du Nord et des coups de sang du Sud. Ma cigale, c'est la sauterelle, et ma sauterelle n'est pas symbolique. Elle n'est pas en or. Je la prends dans les prés au bout des brins d'herbe. Je lui ôte ses grandes cuisses et m'en sers pour pêcher à la ligne.
6 août.
Je n'ai qu'une mémoire instantanée.
- Si j'apprenais quelque chose, dit-elle, je deviendrais tout de suite tellement exigeante qu'il ne pourrait plus rien faire avec l'autre.
    11 août.
On a huit jours pour répondre à une lettre.
- Oh ! pas quand cette lettre est une demande d'argent.
Les arbres dans la brume, comme un cortège de deuil.
31 août.
- C'est drôle, dit Baïe. Je n'ai jamais vu la figure d'un ver ; je ne me rappelle pas où sont ses yeux et ses oreilles.
Elle oublie sa misère à force de bavardage. Elle fait vivre sa famille avec 9 francs par mois. Elle paie 500 francs de dettes par an sans que les siens le sachent. Ruinée par son frère, elle reste pleine d'admiration pour lui. Comme elle a une excellente vue, elle fait des ouvrages de broderie très fins, et elle se les fait payer dix sous parce que ça ne se voit pas. Tous profitent de sa bêtise, de sa bonté.
Chaque fois qu'elle va voir une amie, elle a la délicatesse de mettre les vieilles affaires que cette amie lui a données. Elle a une garde-robe bien montée et, à chaque instant, change de toilette.
Tout le monde est bien bon pour elle, et elle n'a aucun mérite.
16 août.
Hier, distribution solennelle des prix de l'école de Chaumot, sous la présidence de M. Guillemain de Talon. Nous sommes les généreux donateurs. Tous ces petits avaient la fièvre. L'institutrice elle-même se troubla et dit, en regardant mes prix : « Quelqu'un les a dérangés. »
    D'abord, la plus grande des petites filles se leva, regarda l'institutrice qui lui dit de faire face à M. le maire, et récita du Victor Hugo. Je ne reconnus pas mon grand homme : il n'en restait à peine que du Ratisbonne, Je donnai le signal des applaudissements. Elle eut le prix d'honneur des filles et, pendant toute la séance, garda sa couronne verte sur la tête. Moi, je m'affermissais dans mon rôle d'étranger riche et bienfaisant. Marinette était si troublée qu'elle répondit : « Oui ! » à l'institutrice qui lui disait : « Comme vous êtes gentille d'être venue ! »
M. le maire prit la parole et dit des choses très gracieuses aux aimables habitants de La Gloriette. Il crut peut-être que j'allais lui répondre, mais je n'avais rien préparé. Malgré l'envie que j'en avais, je n'osai improviser.
J'avais commencé par m'asseoir sur la chaise de M. le maire. L'institutrice me dit qu'elle était réservée. La chaise de M. le maire se distinguait des autres en ce qu'elle avait aux pieds une descente de lit.
6 septembre.
Dieu comprend tout. Il refusera de m'ouvrir la porte du ciel si j'ai fait une faute de français.
Ces rares instants où l'on est heureux de partout.
9 septembre.
Pour bien faire, tu as encore trop le désir de bien faire.
    17 septembre.
Moi qui n'aimais pas la chasse et qui n'y voyais qu'un jeu de barbares, voilà que je l'aime pour faire plaisir à mon père. Chaque fois que je tue une perdrix, je jette de son côté un coup d'oeil qu'il comprend bien, et, le soir, en rentrant, si je passe devant la porte de son cimetière, je lui dis : « Tu sais, mon vieux, j'en ai cinq ! »
Oh ! étrangler une perdrix, lui serrer le cou, sentir entre ses doigts cette petite flûte de vie !
Mais, si je rentre bredouille, je tâche de ne point passer devant la porte du cimetière.
28 septembre.
Retour à Paris. - Mon père et moi, nous ne nous aimions point par le dehors, nous ne tenions pas l'un à l'autre par nos branches : nous nous aimions par nos racines

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