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Journal de Jules Renard de 1893-1898

Journal de Jules Renard de 1893-1898

Titel: Journal de Jules Renard de 1893-1898 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Renard
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sont dit bonjour, puis :
- Je suis bien heureux de vous connaître.
- Le plaisir est partagé.
- Vous faites un beau bruit dans le monde.
- Il y a, comme partout, des braves gens dans l'armée. Et vous nous préparez quelque chose ?
    - Oui... une machine... en vers ou en prose.
Puis, il y a gros à parier qu'ils se sont dit :
- Au plaisir de vous revoir.
Le copain qui vous fait une visite parce qu'il a lu votre nom dans les journaux.
On le reçoit froidement, mais il est exubérant, et il dit :
- Te rappelles-tu la pile que je t'ai flanquée un jour ?
A Madame :
- Si vous aviez vu !... Il me mordait, rageait et hurlait !
A moi :
- Tiens, voilà comment je t'ai pris.
Et il fait voir sur l'enfant. Il simule la lutte.
- Absolument comme ça ! Tu ne m'en veux pas ? Ah ! pour la tête, tu es un malin, mais, par exemple, pour le corps, tu n'as jamais été qu'un freluquet. Tout le monde te tombait dessus. Ah ! t'en as reçu, mon vieux, des tripotées !
L'imbécile ! Il va rester à déjeuner. Et je l'invite à déjeuner ! Et il passera la journée !
17 janvier.
On se lève, frileux, avec un sourire énigmatique et persistant. Nous n'aimons de façon sentimentale que les femmes de nos rêves, de nos sommeils, celles qui déposent dans notre coeur une petite fleur bleue qui vit encore une heure, une matinée après notre réveil.
    18 janvier.
Poète ? Non. Je n'ai de ma vie touché une lyre.
Poète, il lui eut fallu une tour Eiffel en ivoire.
19 janvier.
Esprit facile, descendez en nous !
Il n'écrit pas : il grossoie.
En cet instant, si je frappais sur mon coeur, il rendrait un son argentin.
20 janvier.
Elle ne lisait que les livres qu'elle prenait au cabinet de lecture, en suivant le catalogue par lettre alphabétique, et elle n'avait pas encore pu sortir d'Amédée Achard.
La plus franche cordialité cessa de régner.
Fantec cherchant la clef qui fait marcher les vrais chemins de fer.
22 janvier.
Comme un monsieur faisait la cour à deux dames qui avaient des dents fausses :
- Oui, dit Veber : il voudrait manger à deux râteliers.
- Je ne comprends le vers que sans lyrisme, dit Docquois.
23 janvier.
Ma place au soleil : ce rayon est à moi.
    24 janvier.
Le secrétaire de Daudet a vu, un jour, une boule rouge qui « marchait » sur la route, qui a passé devant lui, l'a renversé sans le toucher, et est allé tuer un peuplier, qu'elle a cassé comme une allumette. Il n'a pu ensuite que se mettre au lit, après avoir télégraphié à Daudet : « Impossible venir dîner vu boule rouge me couche. »
Il montrait le bout de son oreille à son oeil de derrière la tête.
25 Janvier.
Et puis, il y a la mort. Vous ne songez donc jamais à la mort, et que nous allons tous pourrir ?
Il paraît que Barrès n'aime pas du tout la littérature de Schwob.
- C'est la haine des gens maigres contre les gens gras, dit Lorrain.
Il faudrait, en effet, distinguer le fantastique précis, analytique, géométrique, justifié, de Poe, du fantastique de ceux qui imitent ce qu'il y a en lui de moins bon, de cette terreur qui consiste (Lorrain) à voir des pieds nus sous les portes, des rideaux écartés par une main, et des mains de femme franchement coupées sur le marchepied d'un wagon, et à voir (Schwob) des gens dans un brouillard de Londres, qui collent aux visages des passants un masque de poix, et les étouffent presque, et les traînent, ce qui fait dire aux autres passants : « Voilà encore un homme saoul ! »
    Le fantastique qui n'est que le rêve d'une imagination déréglée, pas dégraissée, n'a rien de commun avec le fantastique de Poe. La vie peut se passer de logique, la littérature, pas.
- Monsieur n'est pas là.
- Dites-moi qu'il n'est pas là, mais dites-lui tout de même que je suis ici, et que je veux lui parler.
26 janvier.
Si tu pouvais voir sur ce jardin la couleur dont le teint mon esprit !
D'Esparbès est un garçon qu'on embête avec Renan.
Les hommes sentent leurs vices Marzac pue l'envie. Le fiel lui brûle la peau, et sa poignée de main suinte.
On m'avait dit qu'il y a, dans les journaux, des littérateurs de vaisselle, sorte de cuisiniers spécialement chargés de faire des saletés aux hommes de talent, de rayer un mot de leur manuscrit ou d'en ajouter un, de supprimer, de recoudre. On me l'avait dit, mais je ne voulais pas le croire.
27 janvier.
Je ne vais dans le monde que quand j'ai envie de ne pas m'amuser.
Prononcer vingt-cinq aphorismes par jour et ajouter à chacun d'eux : « Tout est là. »
Il passe

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