Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Journal de Jules Renard de 1893-1898

Journal de Jules Renard de 1893-1898

Titel: Journal de Jules Renard de 1893-1898 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Renard
Vom Netzwerk:
aux compliments de telle petite dame ?
Je ne suis qu'une boiteuse, mais je vous garantis que, si je me mariais et si j'étais grosse, je porterais bien comme une autre ma petite butte.
21 septembre.
Poil de carotte est un mauvais livre incomplet, mal composé, parce qu'il ne m'est venu que par bouffées.
On n'est pas heureux : notre bonheur, c'est le silence du malheur.
27 septembre.
Poil de carotte, on pourrait indifféremment le réduire ou le prolonger. Poil de carotte c'est une tournure d'esprit.
Capus toujours criblé de dettes, en proie aux huissiers. N'ose plus parler, car ce qu'il veut dire, (et il sait ce qu'il veut dire), il n'arrive jamais à le dire.
29 septembre.
Les Goncourt ont dit ce qu'il fallait des autres ; ils n'ont pas dit ce qu'il fallait d'eux-mêmes.
1er octobre.
S'étant brouillées, elles se redemandèrent froidement leurs rouleaux de musique.
    Faire pour mon village ce que Sainte-Beuve a fait pour Chateaubriand et son temps. Raconter tout par notes, petits drames ou tableaux muets, tout, jusqu'aux terreurs du soir. Fouiller jusqu'au fond, donner la plante de la vérité avec ses racines.
Mémoire, apporte-moi mon pays, mets-le là sur la table. L'ennui c'est qu'avant de se souvenir d'un pays il faut le voir, mettre les pieds dans sa boue.
9 octobre.
Je veux loyalement me réfléchir et savoir l'état de cet être qui est moi, qui pousse depuis trente ans. Je ne me regarde pas sans surprise. Ce qui me frappe d'abord, c'est mon inutilité, et pourtant je n'arrive pas à me persuader que je n'arriverai jamais à rien.
13 octobre.
Il a un style à lui dont les autres ne voudraient pas.
17 octobre.
Tirer toute ma littérature à mon village. Lui appliquer tout ce que j'aime littérairement.
Un cerveau bien soigné ne se fatigue jamais.
J'appelle « classiques » les gens qui ne faisaient pas encore de la littérature un métier.
23 octobre.
Poil de carotte.
    - Quand les couturières, Marie et Angèle, venaient à la maison, elles prenaient leur repas avec nous, à la même table, et elles avaient peur de manger. Est-ce qu'on se tassait ainsi à cause d'elles ? Bien plutôt, Mme Lepic faisait des frais en leur honneur, et Poil de Carotte bénissait leur présence. Il pouvait manger un peu plus sans que Mme Lepic s'en aperçût ; elle le surveillait moins. Mais, ignorant qu'elles étaient l'occasion d'une détente, les couturières avaient hâte de se lever de table, ensemble, comme une seule femme, et d'aller prendre l'air.
Se promener le jour de l'apparition d'un livre, regarder obliquement la pile de volumes, comme si le garçon fixait sur vous des yeux de mépris, considérer comme un ennemi mortel le libraire qui ne l'a pas mis à l'étalage et qui tout simplement ne l'a pas encore reçu, être un écorché douloureux. Ces pains de savon que deviennent les livres !
J'entendais le garçon de Flammarion crier : « Un Poil ! Deux Poil ! Trois Poil ! »
Il paraît que, si l'on est bien avec Achille, le vendeur de Calmann-Lévy, boulevard des Italiens, c'est une vente assurée de 100 exemplaires ; mažs c'est un monsieur pas commode. Il a ses têtes. L'offre banale d'un exemplaire avec une belle dédicace peut être insuffisante. Il met même des clients à la porte. C'est un original, qui doit avoir un rude mépris pour les hommes de lettres.
26 octobre.
Baïe.
    En colère, elle serre les lèvres et, tandis que sa mère la gronde, donne des coups de pied dans les jambes de Fantec, griffe la chaise et, par derrière, tire les poils du chien.
2 novembre.
Par ces temps d'indifférence, de prose abondante, où un beau vers ne rime à rien.
3 novembre.
Je suis une horloge dont le balancier va sans lassitude de l'orgueil à l'humilité ; mais, solide sur mes pieds, je garde l'équilibre et reste debout.
5 novembre.
- Si vous aviez comme moi, dit C..., deux ménages et pas d'intérieur !..
6 novembre.
Hier, à L'OEuvre, Annabella ou « Quel dommage que ce soit une prostituée ! » pièce de Ford, traduction de Maeterlinck, causerie de Marcel Schwob. Respiré tout de même une odeur de barbares. Mais ces incestueux parlent comme deux amants. L'inceste ne devrait être que l'aboutissement tranquille de deux jeunesses. Si on acceptait l'inceste avec calme, le monde pourrait être refait. Rachilde furieuse parce que je trouve les acteurs au-dessous de tout. Courteline trouve que tous ces gens font bien du chichi. Léon Daudet prétend que toute l'humanité repose sur un fond louche. Maeterlinck se balance

Weitere Kostenlose Bücher