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Journal de Jules Renard de 1893-1898

Journal de Jules Renard de 1893-1898

Titel: Journal de Jules Renard de 1893-1898 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Renard
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le bifteck, car il est trop cuit. Il y a aussi un ancien vinaigre qui a mal tourné et qui est devenu un petit vin très suffisant.
- Il n'y a que deux espèces de gens qui vont au théâtre, dit Gandillot : ceux qui paient toujours leurs places et ne vont nulle part, et ceux qui vont partout et ne paient jamais.
Un triste Gandillot, toujours maugréant contre les Auteurs Dramatiques, les confetti, le boeuf gras, et qui demande à voir rayer la France de la carte de l'Europe.
Veber, qui s'est trouvé mal à l'accouchement de sa femme et qui a dû avaler un verre de cognac, appelle son petit garçon Gil. Ainsi prend-il date pour la succession de Philippe Gille au Figaro. Il faut entendre Allais et Gandillot parler des dernières découvertes scientifiques, des rayons cathodiques, avec des détails précis, et Gandillot reprocher aux savants leur timidité. Je me croyais à Centrale. Dieu ! Que ces gens-là sont donc forts ! Et dire que ça ne les empêche pas de connaître tout de même un peu leur littérature ! Je n'ai ni mémoire, ni intelligence, et je ne peux être qu'artiste à force d'entraînement ; mais j'éprouve certaines impressions avec une telle intensité que je défie les plus grands.
Alphonse Allais, dirait un Belge, ce produit de la polichinellerie française.
    Selon lui, pendant la dernière guerre, toutes les villes de France ont été prises par une paire de uhlans.
Et Gandillot avait raccourci son pantalon pour faire voir ses chaussettes irlandaises.
Le mimosa est, parmi les fleurs, ce que le serin est parmi les oiseaux.
Hier, au temple israélite de la rue de la Victoire. Froid, froid, et bien fatigant à la longue, et peu hygiénique, cette habitude de garder son chapeau sur la tête. Blum souriait, souriait trop... Il y avait des gens qui semblaient garnis de furoncles. La Revue blanche faisait de l'esprit collectif... Toutes les religions se ressemblent par la quête.
- Je vous apporte la somme.
- Ça ne pressait pas, monsieur.
- Oui, je sais. On dit toujours ça ; mais vous êtes joliment content tout de même, et vous avez une belle inquiétude de moins.
29 février.
Il vit de rien : une petite douleur occupe toute sa vie.
Quand nous vivons intensément, sans doute prenons-nous la part des autres, dont la vie doit diminuer.
1er mars.
Rien ne sert de mourir : il faut mourir à point.
2 mars.
Eugène Morel, l'auteur d'Artificielle.
    Malgré ce succès, traîne partout romans et pièces de théâtre. A quinze ans - il n'en a que vingt-cinq, - il faisait partie de la génération de Descaves, de Geffroy, de Fèvre, qui ont de dix à quinze ans de plus que lui. Le régiment le sépara d'eux. Il revint. Ils étaient arrivés et, lui, recommençait. Il recommence toujours. Il est obligé d'avoir une place à la Bibliothèque. Les éditeurs ne lisent pas ses livres, qu'il marque d'un fil. Il a une pièce qui, grâce à Mounet-Sully, reçue à corrections au Français, puis refusée net, puis reçue à l'Odéon, attend, attend. Et moi, j'ai un peu honte de ma chance, et de ma paresse.
Peut-être n'a-t-il eu que le tort d'être trop précoce. Les dernières gelées l'ont arrêté net.
Guitry. La Figurante. - Assisté, hier, dans sa loge, à sa petite cuisine, celle d'une grande comédienne poilue. Petits pots de crème et de rouge. Sa montre est devant lui.
- Monsieur Guitry, on n'attend plus que vous.
- Qu'on attende ! On ne peut pas commencer sans moi.
Un coiffeur vient lui noircir la tête, lui rétrécir sa raie. Il met des souliers jaunes à éperons. Il fume, cause, a l'air calme, demande si sa cravate ne fait pas trop pansement à la glace.
- Je ne t'embrasse pas, Jeanne Granier. Je suis encore plus maquillé que toi.
Je ne sais que dire.
    Je lui dis pourtant que Le Plaisir de rompre est pareil à l'acte des adieux d'Amants, mais moins moqueur et plus pénétrant. Il me regarde, surpris.
- Ah ? Ah ? Je suis curieux de voir ça.
Il a mis à la mode les cous qui ont le goître derrière.
Dans la salle, des gens qui se rendent enfin aux efforts du Théâtre-libre. Moi, je m'amuse dans la loge de Maurice Bernhardt, avec Mme Rostand. « Ah ! Ah ! Renard, il laisse sa femme à la maison ! Il va dans le monde. Il fréquente les riches. Le paysan du Danube flirte. »
Sur la scène, ce théâtre ennuyeux et qui n'a rien d'humain. Les plaisanteries éternelles sur la politique, sur Crispi, sur les femmes qui font arriver leur mari. Oh ! les redoutables et pernicieuses bavardes ! Quand l'une d'elles

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