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Journal de Jules Renard de 1893-1898

Journal de Jules Renard de 1893-1898

Titel: Journal de Jules Renard de 1893-1898 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Renard
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aujourd'hui. Elle me répond qu'elle va faire une course rue Notre-Dame-des-Victoires. Je pars. Au Gaulois je vois arriver un garçon qui me dit : « Je viens de voir écraser une femme rue Notre-Dame-des-Victoires. » Je crois que c'est elle. Je cours chez le commissaire de police, qui m'envoie à l'hôpital, d'où l'on me renvoie à un autre hôpital. J'ai enfin l'idée de rentrer chez moi, et je trouve ma femme, à qui je fais une scène.
Gandillot est collé avec une vieille habitude qui ne veut pas le lâcher.
    Comme il venait de ramasser d'un coup 70 000 francs dans les divers théâtres où il est joué, elle, d'un coup aussi, elle en dépense 30 000. Et voilà.
- Ce qui me détourne de Coppée, dit Bernard, c'est qu'il prêche comme devoirs des instincts : par exemple, l'amour d'une mère pour son enfant.
25 décembre.
Il faut gémir, mais en cadence.
Il ne peut plus y avoir de Jean-Jacques Rousseau. Dès qu'on a du talent, on est connu, donc désarmé.
27 décembre.
Si tu as perdu ta journée, dis-le bien, et elle ne sera pas perdue.
28 décembre.
Oui, cela manque à ma vie d'honnête solitaire. De temps en temps, j'ai besoin d'un petit flirt. Hier, la jolie madame... me dit :
- Êtes-vous pressé ? Non ? Alors, marchons un peu.
Avec vivacité elle me parle de choses indifférentes, puis :
- Je vais prendre des renseignements sur une femme de chambre. Venez-vous avec moi ?
- Je veux bien.
- Vous êtes sûr que cela ne peut pas faire de peine à votre femme ?
- Mais non ! Mais non !
- Moi, dit-elle, je suis sûre que cela ne fait rien à mon mari.
    Ça lui est égal.
J'arrête un fiacre.
- Je suis contente que vous veniez avec moi, parce que ma nouvelle femme de chambre m'a dit que sa maîtresse est un peu folle ; et j'ai toujours peur des folles.
- Mais je vous attendrai en bas ?
- Naturellement !
Le fiacre roule. Elle est un peu amusée, moi, un peu inquiet, par crainte du ridicule. Nous parlons d'autres femmes. Je lui demande si Mme L..., de ses amies, est une honnête femme. Elle me répond :
- Je sais que les apparences sont contre elle, mais à tort. D'ailleurs, elle craint son mari, qui ferait un mauvais coup.
- Je le croyais plus débonnaire.
- Détrompez-vous. C'est un homme terrible, mais il n'y a aucun danger. Entre nous, je la crois peu portée là-dessus.
- Elle a l'air d'un homme. Elle préfère peut-être les femmes ?
- Oh ! ne dites pas de ces vilaines choses.
Le fiacre s'arrête.
- Montez avec moi, dit-elle. Ce sera drôle.
- Vous avez décidément peur de la folle ?
- Non.
- Alors, je monte. Elle me prendra pour votre mari.
Une vieille dame nous reçoit dans son appartement, très riche. Pas folle du tout. Elle a une voix de petit enfant. Tout de suite elle dit :
    - C'est une personne très dansereuse à introduire dans une maison.
Elle se venge de sa bonne, qui recerce les hommes, est entretenue, ce qui lui permet de ne pas demander de gros gages, n'est pas jolie, se teint, a un râtelier, lui a volé un peignoir. Et la vieille baronne, qui s'anime, confie à une étrangère ce qu'elle ne dirait pas à un ami, et regarde froidement de mon côté. Qui est-ce que ce monsieur qui a un chapeau melon, un parapluie mal roulé, son pantalon retroussé, et qui n'a pas de gants ?
Je souris, un peu embêté. Si elle m'interroge, jamais je n'oserais dire que je suis le mari de Mme... Las d'entendre : « C'est une personne très dansereuse », nous quittons la baronne.
- Dieu ! Que c'était drôle ! dit Mme... Un jour, j'ai fait une course pareille avec mon beau-frère, que je faisais passer pour mon mari, et il nous fallait nous tutoyer, et je me trompais, et c'était très drôle, très drôle.
- J'ai vu, dit Baïe, un pauvre petit moineau que j'ai invité à dîner.
- Je me déshabille.
- C'est ce que tu as de mieux à défaire.
- Si un loup voulait m'emporter, dit Baïe, je lui flanquerais un pot de fleurs sur la tête.
Un coeur en cervelle.
    Les gens qui se disent blasés n'ont jamais rien éprouvé : la sensibilité ne s'use pas.
Le paradis n'est pas sur la terre, mais il y en a des morceaux. Il y a sur la terre un paradis brisé.
En littérature comme au billard, faire la série.
Pour faciliter la besogne du lecteur, j'en arriverai à souligner, dans chacune de mes phrases, les mots qui doivent porter.
30 décembre.
Un peu plus d'activité, et je ne ferais rien du tout.
Fantec croit encore à Noël, mais, si Noël ne lui apportait pas de joujoux, il s'en prendrait à sa maman.
L'amitié, un

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