Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Journal de Jules Renard de 1893-1898

Journal de Jules Renard de 1893-1898

Titel: Journal de Jules Renard de 1893-1898 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Renard
Vom Netzwerk:
?
Oh ! il pourrait nous arriver de si merveilleuses aventures si le bon Dieu s'y prêtait un peu !
    Oh ! les délicieuses folies de notre cerveau ! Froisse-toi, vanité ! Si tu savais ce qui t'attend, tu te recroquevillerais, et peut-être que tu mourrais du coup.
C'est égal, mon vieux : il te reste à travailler.
- Est-ce que le vélocipédiste peut écrire ? demande un capitaine.
D'autres me connaissaient de la première ligne à la dernière, et bientôt ils m'appelaient monsieur Richard.
Le bruit de fagot cassé des fusillades.
Ils me conduisirent faire mes 28 jours en criant : A Berlin ! A Berlin !
Au restaurant je demandai l'addition. Il vint me la crier : « 17 fr. 50, Monsieur. » Le chef me dit que lui-même était étonné.
Porte, enceinte gallo-romaine vue pour la première fois.
Souffrir de la solitude et la rechercher.
Le garçon d'hôtel qui fait les chambres et qu'on sonne. Il crie dans le couloir : Nom de Dieu de nom de Dieu ! Je l'attends à ma porte.
- C'est vous qui a sonné, monsieur ? dit-il.
Ses lèvres plates et blanches comme des ablettes roulées dans la farine.
La peur de saluer à bicyclette.
Un artilleur bleu et bébête dînant à table d'hôte avec un sourire étonné d'enfant, son képi sur la tête, et le commis-voyageur qui l'a invité l'encourage :
    « Mangez ! Vous êtes ici chez vous. »
Joueurs de cartes : « Peto Cartas. Quinque. » Pas d'écornifleur, ici.
Il ne sait pas s'il doit se mettre dans la peinture ou dans les vins. Il en est à son trente-deuxième tableau, des toiles de deux mètres qui tiennent une place ! Il réussit spécialement les « chers ». En attendant, il place des vins.
- Vous seriez bien gentil d'aller me chercher une boîte d'allumettes-tisons.
On oublie seulement de me rembourser.
Les brigadiers de gendarmerie me serrent la main.
Ils sont encore discrets, les officiers. Avec tant d'armes en mains ils pourraient n'être que des brutes.

- 1897 -
    1er janvier.
Aujourd'hui, dès le crépuscule, il me vient fortement a la pensée, pour mes étrennes, d'écrire ce livre dont le titre me plaît : Les habitudes, les goûts, les idées d'un homme de trente ans. J'ai la certitude que ce sera un beau et bon livre, et qu'il me rendra célèbre.
Et, d'abord, je n'ai plus trente ans. J'en ai presque trente-trois, mais je tiens à mon titre, et je ne crois pas avoir fait de progrès remarquables depuis trois ans.
Sous aucun prétexte je ne mentirai.
Je me pose ces questions : Qu'est-ce que j'aime ? Qu'est-ce que je suis ? Qu'est-ce que je veux ? J'y répondrai avec sincérité, car je veux avant tout m'éclairer moi-même. Je ne me crois ni ignoble, ni naïf. Réellement, je vais me regarder à la loupe.
Je n'ai d'autre besoin que de me dire la vérité. J'ai conscience que jamais personne ne l'a dite. Je n'excepte pas les plus grands.
La vérité est-elle bonne à dire ? Peu m'importe. Sera-t-elle intéressante, passionnante, réconfortante ? C'est le moindre de mes soucis. Servira-t-elle à d'autres qu'à moi ? Cela m'est égal. Qu'on ne croie pas m'affliger en me traitant d'égoïste ! Reprochez-moi plutôt de respirer. Si j'avais connu Jules César, peut-être aurais-je raconté sa vie, et non la mienne ? Non, je ne crois pas, ou j'aurais fait de lui un personnage aussi petit que moi. Je ne veux pas m'en faire accroire.
    Je me tiens, et ne me lâcherai pas avant que de me connaître.
Est-ce que je m'imagine être un original ? Je suis curieux de savoir ce qu'est un homme semblable aux autres.
Ne me souhaitez pas une bonne année. Souhaitez-moi de finir ce que je commence aujourd'hui, et j'aurai passé la meilleure des années de ma vie. Je crois que vous me ressemblez, mais que vous parlez autrement, et que vous ne savez pas comme moi ce que vous dites.
- Vous vous trompez volontairement.
- Je me rends malheureux. Je vous assure que vous avez tort de me plaindre.
D'autres jouent avec eux-mêmes. Je fixe sur moi un regard sérieux, et je n'ai pas envie de rire. Mais je suis fou. J'ai de l'ordre, et vous me passeriez difficilement une pièce fausse.
S'il arrive que je m'échappe, je me vois trouble, je pose ma plume et j'attends.
- Vous êtes myope.
- J'ai la vue que m'a donnée ma mère. Je n'y peux rien.
- Mais vous remettrez votre livre à un libraire ?
- Oui, quand je l'aurai terminé, mais, jusqu'à ce que j'aie écrit le mot Fin, je ne penserai ni au libraire, ni à l'argent, ni au succès.
Je ne renonce pas à l'ambition. C'est un feu qui brûle en moi, à

Weitere Kostenlose Bücher