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Journal de Jules Renard de 1893-1898

Journal de Jules Renard de 1893-1898

Titel: Journal de Jules Renard de 1893-1898 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Renard
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Napoléon.
François Coppée, qui n'est pas soldat, appelle la guerre, et, en vieux garçon, il crie :
    « Faites des enfants ! »
15 janvier.
Nous sommes un escalier à double révolution : quand une moitié de nous monte, l'autre descend.
Je ne tiens pas à savoir la musique. Ça me rapporterait peut-être d'avoir le sens du mot bémoliser, mais je m'en passe bien.
Économiser, non. Ne rien dépenser, oui.
Je suis malade de ne pas pouvoir monter dans la lune.
Une vieille femme nous fait visite ce matin et dit qu'elle est venue à Paris soigner sa tante, qu'elle se trouve un peu gênée, et qu'elle a pensé à moi. C'est une Foin, parente du Foin de Corbigny et des Dupré, tous deux serruriers.
- Mais madame, je ne vous reconnais pas.
Elle sourit d'une bouche sans dents et baisse les yeux.
- Parce que vous ne m'avez vue qu'en négligé, dit-elle, et pas bien habillée comme aujourd'hui.
- Mais, madame, je ne vous ai jamais vue.
- Excusez-moi, monsieur. Excusez-moi.
Elle se disait d'abord de Corbigny, puis elle dit qu'elle y va quelquefois, enfin, elle ne dit plus que « Excusez-moi. » Elle se lève et s'en va.
- Vous comprenez, lui dis-je, que, si vous m'étiez recommandée...
- Oui, monsieur ! Oui, monsieur ! Excusez-moi.
    Elle partie, j'ai du remords, même de ne pas m'être laissé duper.
17 janvier.
Au premier sourire de n'importe quelle femme, je serais perdu. Heureusement, je suis laid. Elles ont un peu peur, et aucune ne m'écrit.
Il n'y a qu'aux riches qu'on se donne la peine de plaire.
Éloge d'une courte maladie. On tient à la vie. Les amis viennent vous voir. Il n'y a aucun danger. Et la légèreté du cerveau vide, grisé de rien.
Elle parle de son « intellect ». On croirait que c'est quelque chose qui est en train de cuire.
Saint-Georges de Bouhélier veut fortifier l'âme des laboureurs.
19 janvier.
Marcel Boulenger très déprimé par Rostand.
- Quand je vous quitte, dit-il, j'ai envie de travailler douze heures par jour. Puis je vois Rostand, son air abîmé, son oeil vague, et me voilà perdu. Je laisse là mes gros bouquins d'histoire, et je prends un roman du jour, L'Orme du mail, que je lis avec lassitude et désespoir. Rostand m'humilie. Sa femme me disait : « Il me fait peur. » Moi, je n'ai même pas la force de me mettre en colère contre lui. Je ne trouve rien à lui dire, que bonjour. Et c'est fini, c'est le néant.
    Je donnerais un de mes petits doigts pour arriver à lui dire quelque chose qui l'intéresse.
- Oui, dis-je. Rostand est la vivante preuve, à peine vivante, qu'il n'y a rien. Il a eu beaucoup d'influence sur moi. Si je n'étais pas l'auteur des Histoires naturelles, je ne voudrais jamais le voir. Mais je peux faire le malin avec lui : au fond, je sens bien qu'il est une réalisation supérieure à la mienne. C'est le saint de l'indifférence. Il n'y a plus que les questions de théâtre qui l'animent. Entre Le Bargy et moi, il n'hésite pas : il choisit Le Bargy. Je le soupçonne d'être amoureux de Sarah Bernhardt. Il est pendu à l'un de ses rayons. Elle est nécessaire à sa vie, comme le soleil à la terre impersonnelle. Quand il sera mort, j'écrirai sur lui une dizaine de pages qui vaudront, pour leur humanité, les plus belles de Renan.
Bret Harte : Récits californiens. Le meilleur de ceux que j'ai lus c'est La Chance du camp rugissant. C'est de l'Edgar Poe pour famille. C'est bien, mais on lui sait trop gré, comme, d'ailleurs, à tous les étrangers, de ses moindres qualités.
21 janvier.
La grande femme dit à son tout petit mari :
- Dépêche-toi de finir, puis tu monteras m'embrasser.
Bucoliques. De loin, je m'attendris sur le sort du père Boussard ; de près, il me répugne comme un pauvre à un riche, et je voudrais bien l'éviter.
    Heureusement qu'il n'y a pas de lépreux à Chaumot ! Jamais je ne pourrais, comme saint François d'Assise, baiser leurs plaies.
Il faut gémir que Renan, avec toute son intelligence, ne soit pas devenu un saint.
22 janvier.
Je dis :
- La vie d'un honnête homme est quelque chose de très plat. Que lui reste-t-il, puisqu'il s'est retranché le désir de plaire ? Il aime sa femme, si l'on peut aimer une femme à qui l'on n'a pas à faire la cour.
- Peut-on tout faire avec sa femme ? dit-elle.
- Quand on y est, il faut se comporter comme les brutes du XIXe siècle.
- La femme, dit-elle, a plus de mérite à rester honnête, car un homme peut toujours se satisfaire avec sa femme, pourvu qu'elle soit jeune et propre. Il peut se

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