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Journal Extime

Journal Extime

Titel: Journal Extime Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Tournier
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songe plus à jouer. Mais il incarne l’intellectuel drôle et léger que les Français prennent pour idéal, oubliant que les plus grands Français s’appellent Corneille, Balzac, Victor Hugo, Zola, etc. et sont lourds, majestueux et forts.
     
    Que ma mémoire fonctionne comme le cadran solaire qui n’indique que les heures ensoleillées.
     
    Je rentre de voyage par une chaleur accablante. Vers 20 heures j’ouvre les fenêtres et les volets. Par la fenêtre de la salle à manger où je me penche vers le jardin, je vois se hisser à l’intérieur une bestiole que je prends d’abord pour un chat, mais d’après son nez pointu et sa queue touffue ce doit être plutôt un putois ou un furet. Sans se soucier de moi le moins du monde, il visite soigneusement toute la pièce en s’intéressant plus particulièrement aux bûches de la cheminée. Puis passe dans la bibliothèque en examinant chacun des livres qui jonchent le sol, comme pour voir si l’un ou l’autre est écrit en putois. La visite dure bien vingt minutes. Cependant j’ai ouvert tout grand la porte du jardin et disposé dehors une assiette de lait. Mon visiteur sort, vide tranquillement l’assiette et disparaît dans les herbes. En consultant un dictionnaire, j’apprends que le furet est un putois domestique souvent choisi albinos, c’est-à-dire avec des yeux rouges et des poils blancs.
     
    30 juin. Dernier jour du plus lumineux des mois de l’année. Pourtant l’été n’a pas encore commencé.
     
    Leonardo, onze ans, dit de sa grand-mère : « Je ne veux pas la quitter, sinon quand elle sera morte, j’aurai des remords. »
     
    Dans mon jardin, une cane de colvert s’est mise en ménage avec l’un de ses fils. Pour se venger, la nature a frappé ses œufs de stérilité. Elle les couve néanmoins avec obstination. Par deux fois, je l’ai surprise en train de casser l’un de ses œufs et d’avaler son contenu. Puis bizarrement elle va laver les coquilles dans le bassin. Sinistre caricature qu’elle m’offre de moi-même, couvant indéfiniment des manuscrits d’œuvres projetées et naufragées.
     
    F.F. fait des travaux de maçonnerie dans le jardin. Type de Français rural caractéristique. Je peux lui demander tous les travaux de nettoyage, jardinage, lessivage ou autres à condition qu’ils se situent à l’extérieur. Mais laver un mur intérieur, passer l’aspirateur ou simplement porter sur l’évier les tasses où nous venons de prendre le café, pas question. Cela serait sans doute contraire à sa dignité virile : tâches domestiques exclusivement féminines. D’où pour ces hommes la nécessité absolue de se marier.
     
    Le jeune S.L. est sujet à des crises d’épilepsie. On me dit que ces crises, particulièrement nombreuses pendant l’enfance, se raréfient dès l’adolescence. Il me vient une idée : l’orgasme sexuel ne serait-il pas une crise ayant assez d’affinité avec la crise d’épilepsie pour la rendre inutile en se substituant à elle ? En se masturbant, l’adolescent épileptique prend – si j’ose dire – son haut mal en main et le soumet à son bon plaisir.
     
    Je dis à M.W. : « Je rêve d’écrire un grand chef-d’œuvre et de connaître un grand amour ». Il me répond : « Tel que je te connais, je te vois plutôt écrire un grand chef-d’œuvre. »

JUILLET
    Le temps lourd et chaud se résout en une pluie abondante qui rafraîchit fortement l’atmosphère. Les vitres se couvrent de buée. Phénomène intéressant parce que se traduisant par des dessins, des signes, tout un graphisme dû apparemment au hasard, en vérité à un déterminisme rigoureux où jouent la physique des surfaces, l’hygrométrie, la densité atmosphérique, etc.
     
    Citation :
    Moi, voici trente ans que tous les matins avant de me mettre au travail, j’avale mon crapaud, en ouvrant les sept ou huit journaux qui m’attendent sur ma table. Je suis sûr qu’il y est, je parcours vivement de l’œil les colonnes, et il est rare que je ne le trouve pas. Attaque grossière, légende injurieuse, bordée de sottises ou de mensonges, le crapaud s’y étale dans ce joumal-ci quand il n’est pas dans ce joumal-là. Et je l’avale complaisamment. Émile Zola
     
    La petite I.E vient passer la journée ici. Il fait si beau quelle ne résiste pas, elle se met toute nue au soleil… au grand esbaudissement de mon jardinier. Je crains un moment que distrait il ne se blesse avec sa faucille ou

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