Journal Extime
coca, bombes à taguer, vêtements, chaussures, seringues, sacs à main (jetés par des voleurs), etc. Impression au total assez grandiose, jeux de lumières et d’ombres, bruits de sources jaillissantes. Je constate en parlant avec les hommes qu’ils y sont sensibles et aiment ce lieu de travail pour eux banal.
Une histoire relevant de l’humour « noir » à double titre : le chanteur noir aveugle Ray Charles s’entend dire un jour par une admiratrice : « Ça doit être affreux d’être aveugle ! » Et lui : « Bien sûr, mais ça pourrait être pire. Je pourrais être noir en plus ! »
Temps glorieux. Les lys sont épanouis et les tilleuls embaument.
Citation :
Il est établi dans son presbytère, comme une garde avancée aux frontières de la vie, pour recevoir ceux qui entrent et ceux qui sortent de ce royaume des douleurs. Chateaubriand, Génie du christianisme.
J’avais écrit à Georges Lubin, spécialiste de George Sand, pour lui demander s’il était exact que la fameuse phrase magique de Gaston Leroux sur le presbytère qui « n’a rien perdu de son charme, ni le jardin de son éclat » provenait de George Sand. Exact. Cela se trouve à la fin de la seconde « Lettre à Marcie », texte rarement réimprimé. À cela près que G. Sand a écrit : « Le presbytère n’a rien perdu de sa propreté, ni le jardin de son éclat ». Ce presbytère est celui d’une petite ville de Lombardie dont le curé a recueilli les trois nièces orphelines Giulia, Luigina et Arpolice.
AOÛT
Réveillé en pleine nuit avec l’impression que quelqu’un se trouvant dehors a appelé « Michel ! » Une voix claire, de femme ou d’enfant. Je suis sur le point de me lever, mais je me dis que quelqu’un voulant me réveiller à coup sûr n’a qu’à actionner la sonnette. Mais a-t-on jamais vu un fantôme appuyer sur un bouton de sonnette ? Il serait curieux – j’aimerais assez – que cela se reproduise. Dans les contes, c’est généralement un appel de l’au-delà, donc un présage de mort. À noter que depuis quelques temps, après un bref réveil vers 3 heures je me rendors et fais un rêve d’une vivacité et d’une cohérence frappantes. Je m’en félicite, car j’ai toujours déploré ma très faible capacité onirique (onirigène ?).
Entendu une curieuse statistique sur les mariages. En règle générale, un homme épouse une femme de condition sociale inférieure à la sienne et donc une femme épouse un homme d’une condition sociale supérieure à la sienne. Il en résulte un maximum de célibataires chez les hommes du niveau social le plus bas et chez les femmes du niveau social le plus élevé. Faute de partenaires.
Une fille richissime verra ses relations avec les hommes empoisonnées par le soupçon lancinant que c’est pour son argent qu’ils la recherchent. C’est le sujet du roman de Stendhal Le Rose et le Vert. Dans la réalité, on voit régulièrement les femmes les plus fortunées se lier avec des hommes milliardaires (la Callas, Lady Di), comme les moins suspects de calculs sans doute. Tout cela laisse peu de place au conte de fées qui unit le prince et la bergère.
Voyage en DDR avec le violoncelliste Paul Tortelier qui doit donner un récital pour inaugurer la nouvelle salle de l’institut français. Curieux personnage exubérant et naïf qui joue avec plus de fougue et de conviction que de nuances. Il me parle de la révolution apportée dans son domaine par les cordes de métal. Pablo Casals ne voulut jamais renoncer aux cordes de boyau, ce qui donnait à son jeu un ton râpeux et fruste qu’on peut certes préférer à la trop parfaite lisseur des nouveaux instruments à cordes métalliques.
Je dis à Catherine : « La fleur de sureau sent le foutre. » Elle approche son nez et dit : « Ah ? Ça sent comme ça le foutre ? » Je lui demande si elle se moque de moi en voulant se faire passer pour pucelle. Dès lors je la surprends dans la journée à renifler des fleurs de sureau en fronçant les sourcils d’un air préoccupé.
Ce que les Allemands appellent le Hochsommer (haut été). La verte jeunesse printanière est loin. Il y a de la fatigue, une sorte d’ivresse de chaleur dans les herbages et les frondaisons. Çà et là des taches jaunes. Je furète longuement un sécateur à la main. Chaleur électrique qui pique la peau. On attend un orage qui n’arrive pas.
Ce qu’il y a de
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