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Julie et Salaberry

Julie et Salaberry

Titel: Julie et Salaberry Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louise Chevrier
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récitait mentalement une prière. «Dieu tout-puissant, faites qu’elle dise oui!» Il écarta avec précaution les plis du feuillet d’où tomba une deuxième lettre qui visiblement avait été chiffonnée puis défroissée. Dans sa lettre, Julie n’avait écrit que quelques mots:
    Charles,
    Si pour vous, c’est la raison qui dicte sa loi au cœur, pour moi, il ne peut y avoir de mariage sans amour.
    Vous avez compris que ma réponse est: NON!
    Marie-Anne-Julie de Rouville
    â€” Goddamn! hurla-t-il.
    Et Salaberry fit une boulette de la lettre avant de la jeter au feu sous les yeux effarés d’Antoine.
    â€” C’est non, et sans aucune explication.
    â€” Je ne peux pas croire qu’une dame aussi bien éduquée que mademoiselle de Rouville fasse preuve d’une telle indélicatesse sans raison, major, si je peux me permettre.
    â€” De quoi te mêles-tu? rugit son maître, frustré. Qu’est-ce tu peux bien connaître aux choses de l’amour et aux dames? D’ailleurs, ce n’est pas une dame, c’est une belle idiote.
    â€” Monsieur! Ne laissez pas la colère vous aveugler ainsi. Je persiste à croire qu’il y a quelque chose qui vous échappe. Vous devriez songer à retourner à Chambly pour en avoir l’explication.
    â€” Jamais! beugla Salaberry. Un Salaberry, dédaigné par une simple demoiselle de campagne, n’ira pas la supplier, et encore moins s’agenouiller devant elle!
    â€” Ceci va également au feu, major? demanda Antoine, imperturbable, en montrant à son maître la deuxième lettre. C’était avec le mot de la demoiselle, mais curieusement, je dirais que c’est votre écriture.
    â€” Tu déraisonnes, mon pauvre Antoine. Montre-moi ça!
    Et il arracha, plutôt qu’il prit des mains du domestique, le papier chiffonné.
    â€” Goddamn! répéta-t-il, catastrophé.
    Salaberry avait complètement oublié ce brouillon d’une lettre destinée à son père. Comment ce document s’était-il trouvé en possession de Julie? Il chercha dans sa mémoire. Par mégarde, la lettre était sans doute tombée de sa poche chez les Rouville. Julie l’avait trouvée et, de toute évidence, l’avait lue.

    â€” Mon cher Salaberry, je crois que vous avez été bien maladroit d’égarer ainsi votre courrier, déclara Caroline de Rottenburg en servant le café.
    Salaberry avait porté son désespoir jusque chez les Rottenburg, et l’épouse de ce dernier l’avait immédiatement retenu à souper pour le distraire de sa peine. Il n’avait touché aux mets servis que du bout des lèvres.
    Le général observa son aide de camp qui souffrait d’amour puis consulta sa femme du regard: que faire? Salaberry qui n’avait jamais eu froid aux yeux, qui pou-vait en découdre avec son sabre si on l’insultait. Il l’avait vu serrer fortement les poings pour éviter de répliquer aux provocations d’un aussi haut personnage que le gouverneur. Et voilà qu’il s’effondrait devant le refus d’une demoiselle.
    Les Rottenburg se désolaient pour Salaberry, qu’ils voyaient comme un ami. Eux-mêmes formaient un couple qui s’entendait à merveille, malgré une importante différence d’âge. Caroline était d’origine italienne, la fille d’un général napolitain, Johan von Orelli. Rottenburg l’avait rencontrée dans un de ces pays slaves baignés par la mer Adriatique et il l’avait épousée. Ils avaient maintenant deux enfants, un garçon et une fille, cette dernière n’étant encore qu’une adorable bambine de deux ans qui promettait d’être aussi jolie que sa mère. Les traits fins du visage de la dame au teint bistré évoquaient une lointaine origine orientale tout comme son abondante chevelure noire et épaisse. La silhouette souple était mise en valeur par une élégante robe faite de pâle mousseline.
    â€” Vous avec eu tort de brûler la lettre de mademoiselle de Rouville, reprocha aimablement madame de Rottenburg à Salaberry avec son français teinté d’un indéfinissable accent étranger. J’aurai bien voulu la voir et j’aurais pu peut-être en tirer quelques conclusions. Et si, comme vous le croyez, elle a lu ce

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