Julie et Salaberry
besoin dâelle et devait maîtriser ses pulsions. Un autre jour, se promit-ilâ¦
â Partez! ordonna-t-elle de nouveau.
Lâhostilité profonde contenue dans sa voix le figea et, lâespace dâune seconde, il eut peur.
â Madame Talhamâ¦
Il prononçait avec difficulté le nom du mari, lâhomme qui se prétendait le père de son fils. Il avait bien envie dâavouer à cette femme quâil savait, pour lâenfant. Quâil allait le lui reprendre pour lui faire mal, la voir pleurer, sâagenouiller pour le supplier. Mais, par prudence, il se dit que la flatterie serait probablement plus efficace dans lâimmédiat. Plus tard, il pourrait la faire chanter, la contraindre à se donner pour quâelle puisse continuer à garder son fils.
â On dit que vous êtes une dame aimable. Messire Bédard vante votre tolérance et votre bonté.
â Si vous ne partez pas, je crie, dit-elle en serrant les dents, espérant ne pas mettre sa menace à exécution.
Elle se retenait de crier. Appoline et Melchior devaient être à jouer autour de la maison.
â Attendez, répondit-il précipitamment. Je suis venu pour obtenir votre pardonâ¦
Dieu que tout cela était difficile à dire! Mais il avait prononcé les paroles exigées par ce satané curé!
â ... pour ce que je vous ai fait, jadis.
â Jamais! cria-t-elle en le toisant.
Il haussa les épaules. Peu importait la réponse, il avait réussi. Le curé avait exigé quâil demande pardon, mais pas nécessairement quâil lâobtienne. Lorsquâil se décida à sortir, il tomba nez à nez avec Victoire qui venait dâentrer en maintenant fermement par la main deux bambins, les fils cadets de Marguerite et du docteur.
â Monsieur de Rouville? Vous permettez?
Elle fit passer Eugène et Charlot devant elle.
â Allez, filez à la cuisine voir si Lison a fait des tartines au sucre du pays.
à la pensée de la délicieuse collation, les enfants disparurent en courant.
â Je crois que vous nâavez rien à faire ici, dit Victoire sur un ton qui lui donna froid dans le dos.
â En effet, madame, jâallais partir. Lâaffaire qui mâamenait en ce lieu est réglée.
â Mémé Lareau, maman? Hou hou!
Arrivant du jardin, Appoline et Melchior admiraient le cheval posté devant la maison.
â Oh! gémit Marguerite. Seigneur, épargnez-moi! Melchior! hurla-t-elle. Je tâinterdis de toucher à ce cheval. Allez-vous-en, ordonna-t-elle à Ovide. Elle se sentait encore plus forte, avec la présence de sa mère. Et ne remettez plus jamais les pieds ici.
â Qui sait ce que nous réserve lâavenir? brava-t-il en remettant son chapeau.
Il sâapprocha du jeune garçon avec la curieuse impression de se contempler dans un miroir. Les yeux de cet enfant! Ainsi, ce petit bonhomme était son fils. Jamais encore il ne lui avait adressé la parole.
â Salut, dit-il à lâenfant.
Melchior sourit.
â Vous êtes le frère de tante Julie, nâest-ce pas? dit-il joyeusement. Câest vrai quâelle va se marier avec le major Salaberry?
â Câest bien vrai. Approche.
Melchior, qui ne demandait pas mieux que dâobéir, sâempressa de rejoindre Ovide.
â Câest une belle bête, nâest-ce pas? demanda ce dernier en caressant le museau du cheval.
â Oh, oui! approuva Melchior, admiratif tant de lâanimal que de ce monsieur qui lâattirait sans quâil sache trop pourquoi.
Par contre, Appoline ne ressentait pas la même confiance.
â Venez, les enfants, intervint alors Victoire sur un drôle de ton. Ce monsieur sâen retourne chez lui.
Melchior aurait voulu protester, mais sachant quâil ne fallait pas contrarier Mémé Lareau lorsquâelle avait cet air-là , il obéit.
â Allons, viens, dit Appoline en lâagrippant par la main.
Sans savoir pourquoi, elle avait peur. Mais Melchior sâéchappa et courut en direction du jardin. La fillette le suivit. Victoire se retrouva face à Ovide.
â Si jamais vous osez revenir ici, monsieur, je vous jure que je vous tue de mes propres mains. Sois maudit, Ovide de Rouville, ajouta-t-elle en le tutoyant tout à coup, sur un ton mystérieux. Que Dieu te fasse brûler en enfer.
Et elle
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