Julie et Salaberry
service le cher Joseph que sa mère avait promis de lui donner.
â Lâeau chaude est prête, mademoiselle.
â Il me faut aussi une grande bassine et des serviettes. Allons, dépêche-toi. Il est temps, déclara la maîtresse dâun ton enjoué.
Le jour de son mariage serait inoubliable, ainsi en avait décidé Julie.
Après sâêtre lavée et parfumée, elle revêtit une courte chemise en linon de lin à laquelle était assorti un de ces pantalons féminins qui servaient de sous-vêtements, avant dâenfiler des bas fins et brodés. Jeanne laça le corset en serrant légèrement la taille. Par la suite, la soubrette aida sa maîtresse à passer les bras de la robe à la traîne fleurie.
â Oh! Que vous êtes belle, mademoiselle, sâextasia Jeanne, en admirant les plis flous de la mousseline retombant avec une grâce princière autour de la fine silhouette.
Une capeline retenue par un large ruban en pou-de-soie encadrait des cheveux noirs et brillants divisés en bandeaux serrés, et un front perlé de minuscules bouclettes. Une pelisse bleue compléterait la toilette de la mariée au moment de partir.
Devant la psyché, Julie contempla lâimage dâune jeune femme résolue.
â Tout est parfait, déclara-t-elle à son miroir.
Jeanne acquiesça dâun sourire, fière de servir une aussi grande dame.
à lâauberge de monsieur Vincelet, Salaberry se hâtait de mettre le point final à un document concernant des instructions sur lâentraînement des Voltigeurs destinées à son remplaçant pendant son absence. Il avait rendez-vous avec Prévost à Québec dans quelques jours. Entrepris la veille, dans son logement de Montréal, Salaberry avait dû interrompre ce travail et prendre le chemin de Chambly où il était attendu chez les Rouville afin de signer le contrat de mariage. Son père, fraîchement débarqué de Québec, avait voyagé avec lui. Il avait glissé le document dans son écritoire en se promettant de le terminer tôt le lendemain, ce quâil venait de faire.
La veille, dans la voiture qui les conduisait à Chambly, Louis nâavait pas manqué de lui faire plusieurs suggestions. «Il aimerait tant être à ma place», sâétait dit Charles sans sâoffusquer. Puis il sâétait mis à somnoler et les trois heures de voyage offrirent au commandant des Voltigeurs la possibilité de se reposer.
Les Salaberry père et fils nâétaient pas aussitôt arrivés chez les Rouville que Julie sâétait élancée dans les bras de Charles qui lâavait entraînée dans un coin pour lâembrasser, son père retrouvant quant à lui son vieil ami.
â Mon ange, jâadore tes baisers. Tu mâas tellement manqué, avoua-t-il en la tutoyant pour la première fois.
Complices rougissants, les fiancés avaient fait leur apparition les derniers dans la bibliothèque du colonel où les attendait le notaire Louis Guy, un cousin de madame de Rouville. Outre les parents des mariés, la signature des conventions de mariage réunissait tous ceux qui avaient pu se déplacer pour y assister, même de lointains cousins, en plus des amis intimes de la famille. Et tous ces gens apposeraient leur signature au bas du document notarié. Car le mariage confirmait aussi les alliances entre les familles, alliances qui se renouvelaient de génération en génération.
Un repas fastueux avait suivi. De retour à lâauberge, épuisé par la fatigue du voyage et ces premières réjouissances, Salaberry sâétait écroulé dans son lit et le travail à compléter avait attendu au lendemain matin.
«Enfin! Nous y voilà !» se dit Salaberry en saupoudrant le document de poudre sèche.
â Antoine! appela-t-il.
Le domestique apparut en apportant le sabre de parade, la poignée bien astiquée, les bottes cirées et reluisantes ainsi que la veste de son uniforme dâapparat.
â Il est temps, monsieur?
â All right , mon vieil Antoine!
Les cloches de Saint-Joseph-de-Chambly carillonnaient à pleine volée. Les villageois qui nâavaient pu entrer dans lâéglise se pressaient sur le parvis et lorsque les nouveaux mariés apparurent, une haie dâhonneur se forma au son des
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