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Julie et Salaberry

Julie et Salaberry

Titel: Julie et Salaberry Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louise Chevrier
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murmurera des paroles obscures en algonquin, langue qu’elle tenait de ses ancêtres maternels. Ovide se mit à trembler, comme si les mânes de ces femmes mortes depuis longtemps jetaient sur lui leurs imprécations.
    Il pâlit.
    â€” Sorcière! Tais-toi, vieille folle.
    Il enfourcha son cheval et, d’un coup de bride, repartit en direction du village. Victoire le suivait des yeux, proférant sa malédiction.
    â€” Sois maudit jusqu’à la fin des temps!
    Stupéfiée, Marguerite contemplait sa mère.
    â€” Mon Dieu! Vous saviez que c’était lui? s’étrangla-t-elle. Mais comment l’avez-vous appris?
    â€” Tu oublies que je suis ta mère, que mon sang coule dans tes veines comme dans celles de ton fils. Oui, je suis au courant depuis longtemps. Du moins, je m’en doutais fortement, à ta manière de l’éviter. Et puis, il n’y a qu’à voir les yeux de Melchior, trop semblables aux siens. Deux parents aux yeux bleus ne peuvent avoir un enfant aux yeux aussi noirs. Mais rassure-toi, la ressemblance n’est pas si évidente, et bien peu de gens remarquent ce genre de détails. Il ne t’a pas fait de mal, cette fois-ci?
    â€” Oh! Mère, fit Marguerite en se jetant dans les bras de Victoire.
    Ces confidences lui procuraient un tel soulagement! Soudain, elle fut secouée par d’irrépressibles sanglots. Des sanglots contenus depuis dix ans.
    Victoire la laissa s’épancher un moment.
    â€” Allons, Marguerite! C’est fini, maintenant. Ressaisis-toi. Il ne faut pas que les enfants et Lison te voient dans cet état.
    Marguerite acquiesça en silence et sortit son mouchoir. Dans le petit cabinet du rez-de-chaussée, il y avait un meuble de toilette avec un pichet rempli d’eau. Elle se bassina longuement les yeux, encore tremblante d’avoir revu de près son agresseur. Elle avait réussi à lui tenir tête et se sentait envahie par une étrange fatigue, comme si elle avait parcouru un long chemin sans jamais avoir pu s’arrêter. Toutefois, lorsqu’elle eut séché ses larmes, Marguerite constata que sa vieille peur l’avait quittée. Dans quelques jours, ce seraient les noces de la demoiselle de Rouville et de Salaberry. Les Talham étaient invités et, cette fois, elle aurait la force de lui faire face.
    De son côté, Victoire demeura quelques instants sur la galerie, le regard vague, comme si elle observait les nombreuses embarcations qui sillonnaient le bassin. Quelque chose l’agaçait. On aurait dit qu’Ovide de Rouville savait, pour Melchior. Mais Victoire conserva cette pensée par-devers elle. Inutile d’inquiéter Marguerite. Il était temps de préparer le souper avant de mettre les enfants au lit.
    Â 

Chapitre 17
Les noces de mai
    Le matin de ses noces, la demoiselle de Rouville fut hors de son lit dès potron-minet. De sa fenêtre, elle voyait le paysage se teinter des lueurs roses de l’aurore annonçant une belle journée. Encore six heures à attendre! La rivière cascadait joyeusement entre les pierres et à cette distance, le grondement des rapides n’était plus que le doux bruissement familier qui la berçait depuis l’enfance. Désormais, elle s’endormirait entre les bras de celui que le destin avait mené à elle; et les chimères caressées si longtemps s’étaient évanouies comme l’eau vive des rapides devenant eau calme en se jetant dans le bassin de Chambly.
    Petite, elle aimait observer le passage des cages de bois que des hommes appelés cageux faisaient habilement flotter sur le remous à l’aide de leurs longues gaffes, pour atteindre sans encombre le bassin. La plupart d’entre eux ne savaient pas nager, croyant farouchement que leur survie dépendait de leur bonne étoile. Des héros qui accomplissaient leur devoir au péril de leur vie! Son fiancé, Charles de Salaberry, était de cette trempe.
    â€” Jeanne! appela-t-elle.
    Une jeune fille de seize ans accourut. Marguerite lui avait recommandé cette sœur de Lison comme femme de chambre, et Julie avait jugé son âge raisonnable pour l’emploi. Plus tard, lorsque la future madame de Salaberry aurait sa maison – Dieu seul savait quand cela arriverait, les temps étaient si incertains! –, elle reprendrait également à son

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