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Julie et Salaberry

Julie et Salaberry

Titel: Julie et Salaberry Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louise Chevrier
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circonstances pour en faire la démonstration.
    â€” Vous avez eu raison autrefois, dit-elle brusquement. Mais l’autre jour, vous savez qui s’est présenté chez moi, et à votre suggestion, paraît-il.
    Le visage de messire Bédard s’allongea d’un coup.
    â€” Pourquoi avez-vous fait cela, monsieur le curé?
    â€” Il s’agissait de secourir une âme en grande perdition, Marguerite, pontifia le curé. Vous aviez certainement compris l’importance de cette démarche.
    Mais l’air de sa paroissienne disait tout le contraire. Elle était furieuse.
    â€” Comprendre quoi? Avez-vous seulement envisagé le mal qu’il aurait pu provoquer? Fort heureusement, si je puis dire cela, il est venu à l’insu de mon mari. Et mon petit garçon qui n’était pas loin…
    Elle parlait à voix basse afin que personne n’entende ce qu’elle avait à dire, mais tremblait d’une rage difficile à contenir.
    â€” Allons, allons, Marguerite, vous exagérez, fit le pasteur sur un ton qui se voulait conciliant. Pourquoi ne pas oublier cette histoire ancienne? Vous avez maintenant une famille, et un mari qui vous protège.
    â€” Qu’en savez-vous? Alexandre ignore tout de ce démon, qui en a profité pour effrayer ma servante. Je n’ai qu’une chose à vous dire, monsieur le curé, jamais je ne pardonnerai à… cet homme ce qu’il m’a fait. Vous m’entendez? Jamais.
    â€” Certes, le crime était grand, mais je peux vous assurer qu’il a fait preuve d’un sincère repentir.
    â€” Des mensonges!
    â€” Comment vous convaincre? Voyez votre cousine, dit-il en désignant Emmélie. Cette jeune femme pleine de bon sens ne craint pas d’être en compagnie du jeune Rouville.
    â€” Elle ne sait pas… Il ne faut pas la laisser seule avec lui!
    â€” Allons, allons, mon enfant, je vois bien que je vous ai blessée. Je réclame à mon tour votre pardon, ajouta-t-il, mielleux. Me l’accorderez-vous?
    Médusée, elle braqua ses yeux clairs sur l’homme de Dieu. Austère et enclin à faire la morale, comme l’exigeait son ministère, le curé était généralement juste. Il avait bon cœur et il était difficile de lui en vouloir. Mais cette fois, Marguerite estimait qu’il avait gravement erré et, même, qu’il l’avait trahie.
    â€” Ne m’infligez plus jamais pareille torture, répliqua-t-elle.
    La jeune femme se tenait droite, oubliant cette humilité de bonne chrétienne qui faisait naturellement baisser les yeux devant un prêtre.
    Enfin, le docteur vint la rejoindre. Soulagée, elle agrippa le bras de son mari.
    â€” Mon cher Bédard, permettez que je vous enlève cette jolie dame? Marguerite, on nous attend pour manger. Vous aussi, monsieur le curé.
    Dépité, le curé se dirigea vers la table d’honneur où on lui avait réservé une place. En voulant accommoder le colonel, il avait peut-être sacrifié la quiétude de Marguerite. Il avait voulu bien agir, mais les reproches de sa paroissienne semaient le doute dans son esprit.
    Le fils Rouville s’était présenté au presbytère et avait enfin avoué sa faute en confession, et plusieurs autres de même nature. À force de confesser les âmes, le curé avait souvent réfléchi à la nature du bien et du mal. Débusquer la faiblesse humaine était devenu sa grande spécialité. Aussi, il avait cru lire la crainte de l’enfer dans les yeux du pénitent et accepté la sincérité de son repentir. Ovide de Rouville avait récité avec ferveur les nombreux rosaires exigés; il avait accompli cinq chemins de croix avec trois Pater et un Ave à chaque station, sa pénitence comprenait également des aumônes aux pauvres de la paroisse. Messire Bédard s’était déclaré satisfait. Il ne pouvait exiger plus, après dix ans, pour un crime qui n’avait jamais été rendu public. Sinon, il aurait ordonné au fils Rouville de faire amende honorable en pleine messe du dimanche, à genoux sur le sol, un cierge à la main. Restait en suspens l’affaire de l’incendie de l’église. L’âme de ce jeune homme comportait encore des zones grises, mais le curé, qui croyait fermement aux vertus de la confession et de la

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