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Julie et Salaberry

Julie et Salaberry

Titel: Julie et Salaberry Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louise Chevrier
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le vol, les récoltes dévastées, les fermes pillées par les uns, le fort incendié par les Bostonnais.
    â€” Justement, mère, il faut des volontaires pour aller se battre et empêcher les Yankees de brûler nos fermes.
    â€” Mais pourquoi t’engager avec le capitaine de Rouville?
    â€” Par ma vie, mère! lâcha Godefroi. C’est le beau-frère du major de Salaberry. Et madame de Salaberry est une amie de Marguerite et du docteur. La marraine de ma nièce Marie-Anne!
    â€” Je savais bien que cette affaire-là tournerait mal, maugréa la mère pour elle-même.
    â€” Sacrédié, ma femme! Mais qu’est-ce qu’il a, le capitaine de Rouville?
    â€” Il a le mauvais œil, marmonna-t-elle, n’ayant aucune autre réponse à lui faire. Voilà ce qu’il a!
    â€” Superstition, répliqua François Lareau, que l’entêtement incompréhensible de sa femme choquait parfois.
    â€” Moi, ça me suffit! riposta Victoire.
    Comment expliquer à François ce qu’il fallait taire, pour leur salut à tous? Sans compter que si jamais son mari apprenait que Rouville était l’agresseur de Marguerite, le choc pourrait bien le tuer. À moins que l’infâme ne soit le premier des deux à mourir, de la main du père outragé qui serait alors pendu pour meurtre. Le doux François Lareau pouvait avoir des réactions imprévisibles si on attentait à sa dignité. Autrefois, il avait terriblement souffert de la prétendue faute de Marguerite et vouait une reconnaissance éternelle au docteur Talham qui l’avait épousée, évitant ainsi que sa déchéance soit étalée au vu et au su de tout le village et préservant la bonne réputation dont jouissaient les Lareau dans la région.
    Victoire ne pouvait s’empêcher d’en vouloir également au notaire Boileau. René aurait tout de même pu empêcher son fils de faire cette bêtise. À quoi avait-il pensé de laisser Godefroi signer ce maudit papier?
    â€” Moi, je suis d’accord avec vous, mère, affirma alors la petite Appoline du haut de son poste d’observation privilégié, c’est-à-dire l’une des marches de l’escalier qui menait aux combles où se trouvaient les paillasses des enfants.
    La fillette n’avait rien perdu de la conversation.
    â€” Je l’ai vu l’autre jour, chez Marguerite, ton capitaine de Rouville, dit-elle à son grand frère. C’est un homme méchant. Je le déteste. Et Marguerite le déteste aussi.
    Sur ces paroles, la petite fille remonta à sa chambre, laissant sa mère stupéfaite.
    â€” Par ma vie! Mais qu’est-ce qu’elle connaît, celle-là? s’exclama Godefroi.
    Il attrapa plutôt une bûche pour s’asseoir au côté de son père qui fumait sa pipe, près du foyer, et entreprit de décrire en détail l’uniforme des Voltigeurs:
    â€” J’aurai un capot, une veste, un shako en poil d’ours, une paire de souliers, une couverture et aussi un pantalon! L’uniforme des Voltigeurs canadiens sera gris.
    â€” Un pantalon? Tu veux dire que tu ne porteras pas de culotte? demanda son frère, par curiosité.
    â€” C’est nouveau dans l’armée, le pantalon, répondit Godefroi avec l’air d’un connaisseur, et beaucoup mieux pour marcher. Et j’aurai aussi un havresac, pour mettre mes affaires, et un fusil!
    François Lareau observa Godefroi. Il avait l’air décidé, sans la moindre crainte sur son visage.
    â€” Dieu te garde, mon fils, dit François Lareau. C’est un état honorable que de vouloir servir sa religion et sa patrie, comme disent si bien les bourgeois. Dame! Je suis fier de toi, répéta-t-il.
    Ces dernières paroles arrachèrent un cri à Victoire.
    â€” Les bras de nos garçons sont plus utiles à la ferme qu’à tenir un fusil, lâcha-t-elle. Aller se faire tuer loin de chez soi! Et pour qui?
    â€” Mère! Faut chasser les Bostonnais. Avec le major de Salaberry, y’a aucune crainte à y avoir. Il sait comment faire la guerre. Vous verrez, on les chassera, les Yankees.
    Godefroi s’approcha d’elle et lui tendit une pièce.
    â€” Voyez, je rapporterai aussi de l’argent.
    Victoire jeta un coup d’œil à la pièce d’une livre.
    â€”

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