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Julie et Salaberry

Julie et Salaberry

Titel: Julie et Salaberry Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louise Chevrier
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visage buriné, marqué par l’existence trépidante d’un entrepreneur aux multiples facettes.
    â€” Monsieur Molson, permettez que je vous présente mademoiselle de Rouville, de Chambly, désormais madame de Salaberry depuis quelques jours. Figurez-vous qu’elle n’est encore jamais montée à bord de votre vapeur.
    Le ton admiratif de son mari en parlant au personnage intrigua Julie et plus tard, lorsqu’ils auraient regagné leur cabine, Charles lui raconterait ce qu’il savait sur John Molson et ses affaires.
    Né en Angleterre, celui-ci était orphelin, mais issu d’une famille relativement aisée. Doté d’un tempérament aventurier, le jeune homme avait choisi d’immigrer à dix-huit ans, et en peu de temps, il avait acquis Caldwells Manor, une grande terre au sud de Montréal, pour découvrir assez vite que l’état de gentleman-farmer ne lui convenait pas. Tout avait alors été revendu.
    Molson était plutôt taillé du bois dont on fait les grands fondateurs d’entreprise. Il voyait loin. Le commerce des fourrures périclitait et l’import-export se révélant trop hasardeux, parce que soumis aux aléas des traversées maritimes, il avait fondé une brasserie et encouragé la culture de l’orge chez les propriétaires terriens en achetant leur récolte. À l’est de la ville, dans le faubourg Québec, l’édifice en pierre de la brasserie faisait désormais partie du paysage de l’île de Montréal. Téméraire à plus d’un chapitre, il avait épousé sur le tard sa compagne Sarah Insley Vaughan, bien après la naissance de leurs trois fils, le jour où il devint impératif de légitimer les héritiers d’un empire promis à un avenir florissant. Le mariage avait été célébré alors que l’aîné, prénommé John comme le père, avait déjà quatorze ans.
    Dans la foulée des premiers steamboats qui sillonnaient le lac Champlain dans la région de Burlington, Molson avait rapidement saisi tous les avantages qu’il y avait àtirer d’un monopole du transport sur le Saint-Laurent. Pour faire construire le premier navire à vapeur au Canada, il avait acquis les plans du constructeur américain Robert Fulton. L’entreprise, risquée, avait englouti la somme faramineuse de deux mille livres. Mais le 1 er novembre 1809, l’ Accomodation affrontait le fleuve dans son pre-mier périple vers Québec à la vitesse folle de cinq milles à l’heure.
    â€” Madame de Salaberry, vous me voyez enchanté de faire votre connaissance, dit Molson en la saluant, et si vous le permettez, je serais très heureux de combler votre curiosité. Mon Accomodation n’a rien d’un rafiot, mais il sera bientôt remplacé par un nouveau bâtiment, le Swiftsure , que nous mettrons à l’eau cet été. Avec tous ces déplacements de troupes de Québec vers Montréal, un bateau plus récent s’avère nécessaire.
    â€” Avec la guerre, ce type de bateau à fond plat se développera rapidement et nous n’aurons rien à envier aux États-Unis, approuva Salaberry.
    â€” Le Swiftsure offrira tous les avantages de la modernité. Vous pourrez vérifier mes dires lors d’un prochain passage, ajouta Molson.
    â€” Comment fonctionne votre machine? demanda Julie. Je vois pourtant deux mâts et des voiles.
    Molson se tourna vers la grève pour montrer, d’un large geste de la main, les nombreux amoncellements de bois cordés.
    â€” Du pin rouge et d’autres essences de bois franc alimentent la machine pour produire la vapeur qui actionne cet ingénieux système de roues gigantesques. Mais rien n’empêche d’utiliser également la force du vent pour gagner de la vitesse. Venez, les invita Molson.
    Il s’effaça pour les laisser passer. Un escalier étroit menait à la salle où se trouvaient la machine et les chaudières. Au milieu du bateau s’élevait une haute cheminée. «On dirait plutôt un gigantesque tuyau de poêle», songea Julie.
    â€” Est-ce possible d’envisager qu’un jour, on arrivera à naviguer sans voilure? demanda Salaberry.
    â€” Certains en doutent mais moi, j’y crois! affirma John Molson. Avec les progrès de la science, tous les espoirs

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