Julie et Salaberry
saurons guère plus aujourdâhui, dit Rottenburg. Allez retrouver votre adorable épouse. Vous savez quâil ne faut pas laisser une jolie femme seule trop longtemps, ajouta-t-il avec un clin dâÅil coquin.
â Quant à vous, mister Baynes, vous pouvez disposer, clama Prévost. Monviel, vous êtes libéré également. Beau travail, messieurs. Rappelez-vous, Salaberry, que je serai à Chambly dans quelques semaines pour la revue des troupes.
â Un honneur, Sir! Les Voltigeurs seront prêts, déclara Salaberry.
Sa rancÅur et sa déception avaient fait place à lâangoisse dâavoir des nouvelles dâÃdouard.
Dâun geste, Prévost les congédia mais retint Rottenburg.
â Jâai encore besoin de vous.
â Excellency?
Le château Saint-Louis était situé sur les hauteurs de Québec. Prévost apercevait la pointe de Lévis, sur lâautre rive. Entre les deux, le Saint-Laurent était couvert de bateaux.
â Vous allez vous rendre au bureau du Quebec Mercury et lire cette fameuse gazette de Lisbonne. Tâchez dâen apprendre le plus possible sur la victoire de Badajoz. Il y avait de nombreux Canadiens là -bas, et vous savez comme moi que cette victoire nâa pas dû être facile. Jâanticipe des pertes nombreuses.
â Je pense comme vous, Sir. Il faut savoir au plus tôt.
â Je prie pour que les Salaberry soient épargnés, dit Prévost.
Il avait lâair affligé. Son différend avec le major de Salaberry ne lâempêchait pas de compatir aux malheurs de sa famille. Et Louis de Salaberry jouissait dâun grand prestige. à Québec, câétait quelquâun qui comptait, et maintenir de bonnes relations avec lui ouvrait bien des portes. Le duc de Kent lâavait compris autrefois, et Prévost nâétait pas un sot.
â Dans ces circonstances, dit Rottenburg, permettez-moi de prendre immédiatement congé pour me rendre au bureau du journal.
â Sâil le faut, rappelez-leur que même si la guerre nâa pas été officiellement déclarée, je nâhésiterai pas à faire appliquer la censure.
â Je comprends, Sir. Nous avons le devoir de prévenir les familles éprouvées avant que tout ne soit imprimé dans les journaux. Heu⦠jâai encore une ou deux questions, si vous le permettez.
â Faites vite, répondit Prévost.
â Pourquoi limiter le nombre des Voltigeurs à trois cents? Au départ, nous avions estimé que ce corps pouvait facilement comporter quatre à cinq cents hommes.
â Je croyais avoir été clair. On recrute pour le Glengarry Fencibles et il nous sera impossible de réussir à équiper tous ces régiments.
â Très bien, dit Rottenburg. Je présume que la limite de trois cents recrues vaut aussi pour les Fencibles.
â Actuellement, ce régiment nâen a aucune, avoua le gouverneur.
â Et qui est pressenti pour être à leur tête?
â Jâai pensé que Baynes méritait cet honneur.
Prévost favorisait le fidèle Baynes aux dépens de Salaberry, comprit Rottenburg.
â Et pour lâavancement de Salaberry?
â Il aura une commission de lieutenant-colonel de milice lorsque le nombre de recrues chez les Voltigeurs atteindra trois cents.
â Mais ce grade va ralentir son avancement dans lâarmée!
â Si jâétais vous, je ne mâen ferais pas trop. Salaberry ne laissera personne lui marcher sur les pieds. Je ne vous cache pas que même si votre protégé mâexaspère, je suis capable de reconnaître quâil mérite mieux. Mais rassurez-vous, Rottenburg, nous avons besoin de votre «marquis de la poudre à canon» et sâil le faut, pour grader votre ancien aide de camp, jâinventerai. Sur ce, courez voir ce qui se passe avec les gens des gazettes.
Rottenburg quitta le château Saint-Louis pour prendre la direction du Quebec Mercury . Lâarmée britannique ne faisait que tolérer dans ses rangs ceux qui nâavaient pas eu la chance de naître en Angleterre, fussent-ils la fine fleur de leurs officiers. Lui-même aurait eu droit au même traitement sâil nâavait pas été de religion protestante, tout comme Prévost, dâailleurs. Mais Salaberry, brillant officier entre tous, possédait la double
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