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Julie et Salaberry

Julie et Salaberry

Titel: Julie et Salaberry Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louise Chevrier
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règne.
    â€” C’est comme pour les clôtures de perche des habitants, fit alors remarquer Marguerite. Mon oncle Boileau s’est fait dérober celles qui délimitaient son verger par des soldats qui s’en sont servis pour faire du feu. Il était fou furieux et a déjà envoyé sa réclamation à l’adjudant général.
    â€” Chambly est joli, ma foi, mais quelle chienne de vie on y mène! déclara Viger.
    Les garçons qui écoutaient attentivement éclatèrent de rire en entendant cette expression. «Chienne de vie!» répétèrent-ils jusqu’à ce que leur père les avertisse du regard qu’ils allaient trop loin. Ils s’enfuirent en riant.
    â€” Il y a eu une mutinerie! rappela Marguerite. J’ai peine à croire que pareille chose se produise chez nous.
    â€” Que dire, chère madame, fit Viger. C’est la vie militaire et ces mutins sont bons pour la cour martiale. À peine arrivé, je suis convoqué demain, à la première heure, à siéger à une cour martiale qui décidera du châtiment de ces hommes qui ont osé commettre un délit: fouet, bastonnade ou prison. Tout un menu n’est-ce pas? Mais avant cela, je dois être à cinq heures du matin sur le champ d’exercices. C’est pourquoi je commettrai l’impolitesse de me retirer pour m’aller coucher. En attendant, si j’ai un conseil, tenez vos légumes à l’œil si vous ne voulez pas qu’un de ces pauvres diables vous en débarrasse. Que voulez-vous, quand les hommes ont faim, le chapardage devient à la mode!
    Le docteur se leva pour aller avertir son engagé de dormir dans la grange pour veiller sur leur butin et tout le monde gagna son lit.

    Depuis le matin, les demoiselles de Niverville ne tenaient plus en place, veillant à ce qu’il y ait exceptionnelle-ment du feu dans tous les poêles et les âtres de la maison. Elles allaient dans tous les sens, distribuant des ordres contradictoires, à tel point que Marie-Desanges, leur petite bonne, craignit d’attraper le vertige.
    Thérèse de Niverville explorait fiévreusement le contenu de l’armoire à linge.
    â€” Voyons, où est-elle? Cette friponne de Malou, notre ancienne bonne, l’aurait-elle ajoutée à son baluchon avant de partir?
    Elle cherchait, parmi la pile des nappes de tous les jours, l’unique nappe brodée de la maison, la plus jolie… quoiqu’un peu mitée.
    â€” Ah! la voici enfin! s’écria-t-elle en l’extirpant du fond de l’armoire. Dieu du ciel! La nappe est fripée et tachée par endroits. Marie-Desanges, lui commanda-t-elle, fais chauffer les fers.
    Mais la pauvre Marie-Desanges ne pouvait entendre puisque l’autre maîtresse des lieux, Madeleine de Niverville, l’inondait de conseils sur la manière de faire un gâteau convenable.
    â€” Il faut du beurre et non du suif. Et n’oublie pas d’ouvrir des pots non entamés de confiture, un de fraises et un de framboises. Tu m’as bien comprise, Marie-Desanges: assure-toi que la crème soit bien fraîche. Surtout, cache ce vulgaire sucre du pays et utilise le pain de sucre blanc qu’il faut râper fin.
    Les derniers mots de la phrase se perdirent dans l’escalier qui menait à l’étage, la demoiselle étant repartie à la recherche de ses mitaines brodées. À son tour, Thérèse fit son apparition dans la cuisine.
    â€” Voici la nappe à repasser et les serviettes. Fais attention de ne rien brûler, recommanda-t-elle en brandissant un doigt menaçant.
    La petite bonne fit signe qu’elle avait compris, tout en se disant que l’auguste maison des Niverville ne résisterait pas longtemps au tourbillonnement de ses maîtresses. Mais comme il fallait que tout soit fin prêt bientôt, elle entreprit de frotter les taches de la nappe, puis attrapa le premier des fers à repasser qui chauffaient sur le poêle.
    Marie-Desanges avait reçu l’ordre de se surpasser. Or la pauvrette n’avait pas l’expérience de la cuisinière de madame Boileau! La veille, ces demoiselles avaient fortement suggéré d’aller prendre conseil auprès d’Ursule. Obéissante, elle avait tremblé en traversant d’un bout à l’autre Chambly au milieu des charrettes et des militaires, toute une

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