Julie et Salaberry
vivant dâune centaine de coups de fouet. J â crérais que câest ce qui va mâarriver.
â Comment peux-tu être aussi sûr de toi?
â Yâa quelquâun qui mâa juré que câest ce qui mâarriverait.
â Quelquâun?
â Ben oui, affirma-t-il dans un rire mauvais. Quelquâun ben proche de vous, mon colonel.
Il cracha de nouveau.
â Quâon le sorte, ordonna Salaberry.
Peltier fut emmené. Mais avant de franchir la porte, il se retourna et gratifia Salaberry dâun regard torve qui provoqua un frisson de dégoût chez le commandant des Voltigeurs. «Celui-là , son compte est bon!» se dit Salaberry.
â à ton tour, mon mignon, dit Peltier à Godefroi quâil croisa devant la porte. Ton cher colonel tâattend.
Au contraire de Peltier, lâhomme qui se présenta devant lui faisait peine à voir. Ses vêtements étaient en loques, et sâil tremblait, ce nâétait pas de froid mais bien de honte, celle de se tenir devant Salaberry fers aux pieds et aux mains, les yeux rivés au sol.
â Ainsi, câest toi, le dénommé Godefroi Lareau?
â Oui, mon colonel, répondit faiblement le jeune homme.
â Regarde-moi lorsque tu parles à ton colonel, le somma Salaberry.
â Je ne peux pas, mon colonel.
â Câest un ordre, soldat Lareau.
â Oui, mon colonel, obéit Godefroi en relevant péniblement ses yeux fiévreux.
â Connais-tu Ãtienne Desautels?
â Non, je ne le connais pas. Je ne lâavais jamais vu de ma vie avant dâêtre enfermé avec lui, ici.
â Connais-tu le sergent Peltier?
â Oui, mon colonel. Câétait notâ sergent dans la compagnie de Rouville.
â Tu es accusé dâavoir incité à la désertion, mais tu as tout nié en cour martiale. à tel point que les jurés ont cessé de tâinterroger.
â Je suis innocent, colonel.
â Prouve-le!
â Mais, colonel, jâétais à la bataille, à Lacolle. Comment jâaurais pu déserter?
â Tu affirmes que tu étais à Lacolle? Qui peut le confirmer?
â Demandez à Charland, il était avec moi. On était près du moulin, à Odellâs Inn. Les Indiens ont entendu du bruit dans les bois. Vous savez, le clic que font les chiens des fusils lorsquâon sâapprête à tirer. Câétait des Yankees, cachés, qui se préparaient à décocher. Nos Sauvages se sont mis à hurler et les Yankees, effrayés, ne voyaient plus rien et tiraient dans la mauvaise direction, ils se sauvaient partout, tant ils avaient peur de nos Sauvages. Jâétais en avant, mon colonel, et jâai tiré. Plusieurs coups.
à mesure quâil racontait, Godefroi sâanimait. Sa description était celle dâun soldat qui avait participé à la bataille.
â Câétait ma première bataille, mon colonel. Câest vrai quâau début, jâavais peur, mais par la suite, je ne sentais plus rien. Et on lâa gagnée. Je peux dire que jâétais fier dâêtre un voltigeur! Je suis innocent, mon colonel, jâai pas déserté. Mon pauvre père, quâest-ce quâil va penser? Si je meurs, il mourra aussi.
à cette pensée, Godefroi se mit à pleurer. Quant à Salaberry, il venait de comprendre ce que le père Robitaille avait voulu dire.
Il rappela la sentinelle.
â Va me chercher le commandant du fort.
â Colonel! salua lâofficier en question en entrant dans le bureau du commandant des Voltigeurs.
â Jâordonne que Lareau soit isolé des autres. Trouvez-lui une autre cellule. Et, de grâce, ôtez-lui ses fers!
â Mais colonel! Il sera condamné à mort tout à lâheure et nous manquons de place pour les nombreux prisonniers. Câest pas croyable, le nombre de déserteurs!
â Commandant, discutez-vous mes ordres?
Salaberry sâétait levé dâun bond, renversant la chaise sur laquelle il était assis. Le grand corps du commandant du fort se redressa aussi vite.
â La sentence est suspendue jusquâà nouvel ordre. Et faites appeler immédiatement le capitaine de Rouville. Je veux le voir ici dans quinze minutes. Pas une de plus.
Le commandant du fort venait à peine de sortir que Rouville était déjà devant
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