Julie et Salaberry
lui.
â Salaberry, mon vieux, je vous cherchais.
â Je vous rappelle quâici, je suis votre supérieur, capitaine de Rouville. Comme câest curieux, moi aussi, je vous cherchais.
â Il sâagit de lâaffaire Lareau, colonel.
â Vraiment? fit Salaberry, sarcastique.
â Un témoin important dans cette cause a été oublié. Il sâagit du voltigeur Louis Charland, de ma compagnie. Ce dernier a des révélations importantes à vous faire.
â Le voltigeur Louis Charland nâest-il pas à Saint-Philippe? Jâallais justement vous donner lâordre de le faire venir à Chambly le plus rapidement possible.
â Sachant que la cause était urgente, jâai pris sur moi de le faire chercher, déclara Ovide. Câest ce que je voulais vous dire. Il vient dâarriver.
â Rouville, vous nâaviez pas à faire revenir ce voltigeur ici sans mon autorisation, mais étant donné quâil est un témoin capital dans cette cause et que je dois lâinterroger, je passerai outre, pour cette fois.
â Je mâen souviendrai, mon colonel, fit Ovide, faussement humble.
â Amenez-le ici.
Ovide sortit, dissimulant un sourire.
Lorsquâon le fit entrer dans la pièce aux vieux murs de pierre qui évoquait plus un cachot que le bureau du commandant du fort, Charland tremblait comme une feuille. Sa confiance dans le corps des Voltigeurs avait été émoussée depuis lâarrestation de son ami Lareau. En apprenant que le capitaine de Rouville le faisait venir à Chambly, il sâétait demandé tout le long du chemin si ce nâétait pas pour lâarrêter à son tour. Et voilà quâil était devant le colonel de Salaberry, se demandant toujours pourquoi on lâavait fait appeler.
â Quel est ton nom?
â Louis Charland, colonel, de la compagnie du capitaine de Rouville.
â Connais-tu le voltigeur Lareau?
â Heuâ¦
Charland avait si peur quâil hésitait à répondre à cette simple question, craignant de sâincriminer.
â Réponds! ordonna Salaberry.
â Oui, colonel, nous sommes dans la même compagnie.
â Je nâai pas besoin de tâapprendre quâil a été arrêté et de quoi on lâa accusé.
â Câest impossible, mon colonel, sâécria subitement Charland, la peur au ventre. Lareau et moi, on était toujours ensemble. Il ne peut pas avoir déserté.
â Pourtant, le sergent Peltier a déclaré sous serment que ton ami Lareau lâavait incité à le faire.
â Faut pas le croire, colonel Salaberry. Câest Peltier qui voulait déserter, il nâarrêtait pas de le répéter. Il nous a même demandé de venir avec lui, mais on a dit non.
Charland nâen pouvait plus de toutes ces questions. Il se demandait à chaque fois sâil ne serait pas accusé à son tour dâun crime quâil nâavait pas commis.
â Faut pas croire Peltier, mon colonel, insista-t-il sans attendre que Salaberry lâinterroge de nouveau. à Chambly, il trafiquait de la viande, câétait même un des meneurs de lâémeute, lâété passé, lorsque vous étiez parti. Mais personne ne lâa dénoncé.
â Et toi, pourquoi tu ne lâas pas fait, si tu étais au courant?
â Il ne cessait de nous menacer avec son couteau, fit Charland en faisant mine de se trancher la gorge.
Salaberry commençait à entrevoir ce qui avait pu se passer. Lâarmée était un univers dur et brutal, et on pouvait être certain dây retrouver de la canaille. Et parmi ces hommes de sac et de corde se trouvaient aussi des âmes sincères comme Charland et Lareau.
â Câest Noël. On mâa dit que tu es de Chambly. Puisque tu es chez toi, prends trois jours de permission pour aller voir ta famille avant de tâen retourner à Saint-Philippe.
La reconnaissance quâil y avait dans les yeux de Charland valait tout lâor du monde pour le commandant des Voltigeurs.
â Merci, mon colonel! répondit le jeune homme, franchement soulagé. Et pour Lareau?
â Je ne vais pas me priver des services de deux bons voltigeurs comme Lareau et toi, le rassura Salaberry.
â Ah! Ã vos ordres, colonel.
â En attendant de revoir ton ami, que tes lèvres restent
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