Julie et Salaberry
scellées, demanda par contre Salaberry. Il tâapprendra lui-même ma décision.
Louis Charland avait le cÅur si léger, quâil promit tout ce quâon exigeait.
Parmi ceux que la dernière cour martiale à avoir siégé à Chambly avait condamnés se trouvait le sergent Peltier, dont la peine de mort fut commuée en neuf cents coups de fouet. Il ne sâen releva pas et Ovide de Rouville respira. «Bon débarras» fut la seule pensée chrétienne qui lui vint à lâesprit.
Puis, le 4 janvier 1813, sur la banlieue du fort de Chambly, une foule se rassembla pour assister à lâexécution dâÃtienne Desautels, de la paroisse de Saint-Denis, sur la rivière Chambly, du régiment des Canadian Fencibles, trouvé coupable de désertion devant lâennemi et condamné à mort. Malgré le froid et lâheure matinale, il y avait foule pour assister au funeste spectacle.
Devant un cercueil de bois, une fosse avait été creusée.
â Prévost aurait hésité longuement, avant dâapprou-ver la condamnation, confia monsieur Boileau à Joseph Bresse, lâair profondément dégoûté devant ces arrangements macabres.
Ce dernier sâen voulait dâavoir accepté de suivre son voisin, qui voulait assister à lâévénement sous prétexte quâil le consignerait dans ses mémoires.
â Partons, suggéra Bresse en tirant sur la manche de Boileau. Il fait froid. Et je ne veux pas voir ça.
â Ãa ne sera pas très long, répondit monsieur Boileau. Dâailleurs, on ne verra pas grand-chose, avec tous ces hommes en rang.
En effet, toutes les troupes présentes à Chambly assistaient à la mise à mort afin que celle-ci serve dâexemple à ceux qui auraient envie de se risquer à leur tour à faire de même.
â Voyez, le condamné vient de sortir du fort, poursuivait Boileau qui commentait chaque détail de lâévénement. Robitaille lâaccompagne. Je ne voudrais pas être à sa place.
â Songez à ses pauvres parents, fit Bresse avec compassion.
Malgré le froid, on installa Desautels, revêtu dâune mince chemise et dâune culotte, les mains liées derrière le dos, à genoux sur son cercueil.
Des soldats désignés au hasard formaient le peloton dâexécution et se mirent en joue. Puis, lâordre vint:
â Fire!
â Prions pour le repos de lââme dâÃtienne Desautels. Que Dieu lâaccueille dans sa miséricorde, pria le curé Bédard pendant la messe.
Le reste de la prière sâétrangla dans la gorge du curé Bédard et un murmure dâeffroi traversa lâéglise. On était le jour des Rois, qui aurait dû être un jour de réjouissance. Or le seul motif de contentement de messire Bédard résidait dans le soulagement de ne pas avoir eu à accompagner le condamné à mort dans ses derniers moments. Son confrère avait passé trois longs jours en prison avec ce pauvre Desautels jusquâà lâheure de lâexécution. «Si les militaires ont voulu frapper les imaginations, ils ont réussi», songea le curé, profondément attristé. La population de Chambly apprenait quâen temps de guerre, la mort venait de partout, de la main des siens comme de celle de lâennemi.
Lâexécution dâun jeune homme dâune paroisse voisine avait plongé les habitants de Saint-Joseph-de-Chambly dans la consternation. Plusieurs dâentre eux connaissaient des membres de cette famille et les condamnations à mort constituaient un fait rare au pays. Il y avait bien eu, autrefois, lâexécution à Québec de David McLane, condamné pour haute trahison. On lâavait pendu, mais pas jusquâà ce que mort sâensuive, car on lui avait ouvert les entrailles alors quâil était encore vivant, puis coupé la tête et le corps en quatre quartiers. Câétait en 1797. à lâépoque, le jeune Jean-Baptiste Bédard avait vu dans ce supplice moyenâgeux une infamie indigne dâun siècle qui se targuait dâêtre celui des Lumières, câest-à -dire celui de la raison, de la foi et de la philosophie!
Ce qui se produisait autour de lui depuis quelques mois ne valait guère mieux. Du fait de la loi martiale, les sentences
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