Julie et Salaberry
lança-t-il à monsieur Boileau. Je la rattrape. Et il sâélança sur le sentier.
Rendus mal à lâaise par le sans-gêne de leur fille, monsieur et madame Boileau se retournèrent vers madame de Rouville pour excuser la grossièreté dâEmmélie.
â Votre fille ne manque pas dâaudace, nota Thérèse de Niverville.
Elle-même, tout comme sa sÅur, nâavait jamais eu pareille chance. Et dans leur temps, on ne refusait pas un jeune homme de cette classe.
â Il faudrait savoir ce que vous souhaitez, répondit sèchement madame Boileau, qui leur tenait toujours rigueur. Ma fille est insolente si elle lorgne du côté de monsieur de Rouville, mais elle est une ingrate si elle repousse ses avances.
â Que se passe-t-il? demanda Julie qui était déjà de retour avec son enfant dans les bras.
â Je vous en prie , ma chère petite, permettez que je vous débarrasse de votre fardeau, demanda Madeleine, ravie de prendre lâenfant dans ses bras.
Jamais elle nâavait envisagé sa vie autrement quâavec son inséparable sÅur jumelle. Mais, parfois, le regret lui prenait de ne sâêtre jamais mariée, de se contenter de serrer furtivement contre son cÅur les enfants des autres, sachant quâelle nâen aurait jamais et quâelle mourrait peut-être dans une extrême solitude, si Thérèse disparaissait avant elle.
Madame de Rouville, qui de son côté avait tout entendu, ruminait son mécontentement. Elle sâapprocha de madame Boileau.
â Je tiens à vous prévenir que les manigances de votre fille et de votre mari ne mèneront à rien. Jamais je ne consentirai à ce mariage.
La morgue de madame de Rouville agaça prodigieusement la mère de famille. Elle en avait par-dessus la tête de ces gens qui se servaient de ses enfants pour parvenir à leurs fins.
â Ce nâest pas ma fille qui manigance, mais bien votre fils qui tente dâembobeliner mon mari pour obtenir la main dâEmmélie.
â Votre fille court après la particule, répliqua Marie-Anne de Rouville. En cela, elle ne fait que suivre lâexemple de son père, ajouta-t-elle, non sans hargne.
â Soyez sans crainte, la nargua la mère dâEmmélie. Boileau elle est, Boileau elle restera. Elle nâa aucune inclination pour un être aussi futile que votre fils. Quant à mon mari, sachez quâil devra me passer sur le corps pour que je permette une pareille union!
Madame de Rouville se raidit sous lâinsulte.
â Je vois que nous sommes dâaccord, conclut la seigneuresse sur un ton cassant.
Ovide avait couru. Il sâapprocha dâEmmélie, encore essoufflé, pour lui offrir son bras.
â Allons, petite chatte effarouchée, votre père vous a confiée à moi, je ne vous ferai aucun mal.
â Monsieur de Rouville, il suffit, je ne veux pas de votre compagnie.
â Rouville, veuillez laisser ma sÅur, demanda simplement René.
â Voyez-vous ça! Le petit notaire qui sort de ses gonds. Vous voulez boxer? Mais je vous préviens, jâai subi lâentraînement des Voltigeurs.
â Fi de vos rodomontades, Rouville. Câest la pire méthode pour faire la conquête dâEmmélie.
â Pourquoi faut-il toujours que vous provoquiez sans raison? sâécria alors Emmélie à Ovide, excédée.
â Ne vous mêlez pas de ça, ma jolie. Votre frère est incapable de tirer lâépée.
â Gare à vous, Rouville, je ne tire pas lâépée, mais je suis bon tireur et je peux vous envoyer mes témoins dès demain.
Les deux hommes se toisaient et Zoé vint se réfugier contre sa sÅur.
â Vous êtes complètement fous! sâinterposa Emmélie. Je vous ordonne de cesser immédiatement ce jeu stupide.
Ovide émit un rire narquois.
â Je suis à vos ordres, ma charmante. Loin de moi lâidée de répandre le sang de votre frère. Mais câest votre faute, belle Emmélie, car vous me faites languir. Câest pourquoi jâai décidé de donner un pique-nique en votre honneur. Que diriez-vous, ma chère, si nous annoncions nos fiançailles à nos amis?
â Ne soyez pas ridicule, clama-t-elle, toujours aussi furieuse.
Il éclata de rire et lui prit le bras pour la serrer contre lui, en
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