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Julie et Salaberry

Julie et Salaberry

Titel: Julie et Salaberry Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louise Chevrier
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la demoiselle Emmélie Boileau –, l’autre étant enfouie dans un repli de son manteau pour la tenir au chaud.
    La porte de la belle demeure aux murs lambrissés et peints en rouge sang de bœuf s’obstinait à rester close. Pourtant, de la lumière s’échappait des fenêtres du rez-de-chaussée et de l’étage. Elle refrappa avec insistance et Perrine se retrouva devant l’imposant tablier d’Ursule. Elle sourit et amorça un mouvement pour entrer, heureuse de se réchauffer auprès de l’immense âtre de la cuisine, comme elle avait coutume de le faire. Les deux femmes entretenaient une vieille amitié faite de confidences sur leurs maîtres respectifs, d’échanges de recettes ou de méthodes éprouvées, acquises au service des familles de notables de la seigneurie de Chambly. Mais ce jour-là, la cuisinière des Boileau offrit à Perrine un visage aussi glacial que l’air de janvier. Elle s’empara vivement du billet tendu par une main tremblante et, sans prononcer un seul mot, referma brutalement la porte, laissant la pauvrette pétrifiée sur le seuil.
    Le cœur lourd, la domestique rebroussa chemin en pressant le pas. De la maison rouge au chemin du Roi, il y avait une allée bordée d’ormes que Perrine remonta d’un pas vif, les yeux fixés au sol pour ne pas apercevoir les esprits follets qui pouvaient s’amuser dans la noirceur, entre les longues branches dénudées de la haie. Elle-même ne les avait jamais vus, mais une cousine de Pointe-Olivier lui avait raconté comment quelqu’un de sa connaissance… Oh! Elle préférait ne pas penser à ça. Vivement, elle fit le signe de la croix. Trois fois, pour bien se protéger du mal.
    En proie à une terreur subite, Perrine n’entendit pas le bruit des chevaux. Lorsqu’elle releva les yeux, ce fut pour apercevoir les lueurs des lanternes des carrioles qui venaient de bifurquer en direction de la maison. L’espace d’un instant, elle crut voir les mauvais esprits de la nuit. Apeurée, elle fit un saut sur le bas-côté pour éviter la première carriole et perdit l’équilibre. Elle se retrouva étalée de tout son long sur le sentier glacé. C’en était trop! Les yeux embués de larmes, elle se redressa péniblement sur ses mains nues, avec pour résultat qu’elle aurait certainement des engelures, et courut pour atteindre la maison des Bresse.
    â€” Mais que t’arrive-t-il, ma pauvre Perrine? se désola Françoise Bresse en voyant sa domestique. Allons, viens t’asseoir près du feu.
    La servante sortit un grand mouchoir dessous son tablier pour se moucher bruyamment.
    â€” Ah! Madame, c’est terrible!
    Tout en cherchant à la réconforter, sa maîtresse tentait vainement de saisir un mot audible à travers les pleurnichements de Perrine.
    â€” Ah! Madame, si vous saviez! marmonnait sans cesse cette dernière en se tamponnant les yeux.
    â€” Mais oui! Je veux savoir, s’impatienta Françoise. Que s’est-il passé pour te mettre dans un tel état?
    Perrine fit un effort pour contenir ses larmes.
    â€” J’en étais toute retournée, bredouilla la servante, l’esprit plongé dans une sorte de brouillard. Une chose incroyable… madame! C’est bien la preuve qu’il y a de la magie dans le p’tit bois d’à côté. Les esprits de la nuit, je les ai presque vus. Ah! Vous riez, mais si vous pensez à tous ces Sauvages qui sont morts par ici, sans baptême, c’est ben certain que leurs âmes rôdent dans le p’tit bois des Boileau. À c’qu’on dit, du sang de Sauvages coule dans les veines de c’monde-là. J’vous l’dis, madame. Il faudra mander l’engagé pour porter vos messages, parce que moi, eh bien, je n’irai plus là-bas, ajouta-t-elle dans un nouveau reniflement.
    â€” Folleries! la rabroua sa maîtresse. Il n’y a ni esprit ni magie! Ressaisis-toi, ma pauvre fille, gronda madame Bresse. Et raconte ce qui s’est réellement passé.
    â€” La calèche du diable, madame! J’ai eu la peur de ma vie.
    â€” Voyons! C’était sans doute des invités de la demoiselle Boileau. Mais il y a autre chose, ma fille, et j’aimerais que tu finisses par le dire.
    Finalement, Perrine raconta

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