Julie et Salaberry
aussi bien signer immédiatement la reddition.
Salaberry acquiesça à cet énoncé. Ce nâétait pas avec les milices de paroisse quâon réussirait à repousser lâenvahisseur lorsquâil se présenterait aux frontières. Il faudrait des régiments de volontaires. Et lâAngleterre nâaurait dâautre choix que de faire appel à un régiment de mercenaires, comme elle lâavait fait pendant la première guerre contre les Américains en faisant venir au Canada des régiments allemands qui sâétaient bien adaptés au pays. De nombreux mercenaires allemands avaient même décidé de sây établir en épousant des Canadiennes. Une grande partie de lâarmée britannique était actuellement au Portugal avec le général Wellington, à se battre contre les Français, ce qui laissait prévoir de maigres effectifs pour lutter contre un nouvel ennemi de lâEmpire.
Restaient les régiments formés avec les hommes du pays.
â Si je peux me permettre, Sir, dit Salaberry, plein de déférence, jâaimerais vous soumettre une idée.
â Je vous écoute, Salaberry, répondit Prévost, avec une morgue que lâaide de camp de Rottenburg préféra ignorer.
â Thank you, Sir! Je propose de lever un corps dâinfanterie légère, des voltigeurs, entièrement constitué de volontaires, uniquement des Canadiens, des hommes qui recevront un entraînement militaire. Un régiment qui aura la souplesse nécessaire pour faire la guerre à la mode de ce pays â avec un talent particulier que nous tenons de nos ancêtres pour les embuscades sur un terrain couvert de forêts. Encadré et dirigé par des officiers formés par lâarmée britannique, ce corps deviendra redoutable.
â Difficile de trouver de bons officiers qui accepteront de commander une milice extraordinaire, objecta Prévost. Les rares Canadiens formés par les Britanniques ne veulent pas occuper ces postes qui sont de moindre valeur que leur rang habituel dans lâarmée, avec la solde à lâavenant⦠Enfin, vous connaissez tous les obstacles.
â Mais ces obstacles peuvent disparaître avec des mesures appropriées. Des officiers canadiens recruteront plus facilement des soldats canadiens. Je songe à mes cousins Juchereau-Duchesnay.
Jean-Baptiste et Michel-Louis Juchereau-Duchesnay avaient été également formés dans lâarmée britannique. Michel-Louis était même le beau-frère de Salaberry, puisquâil avait épousé sa sÅur Hermine.
â Je me porte aussi garant de ces officiers, déclara Rottenburg. Lâidée de Salaberry est excellente, Sir, et vous ne pouvez que lâappuyer.
Il voyait là une belle occasion pour son protégé de sâillustrer et de montrer aux autorités militaires lâétendue de son talent.
De son côté, le gouverneur George Prévost était déterminé à tout mettre en Åuvre pour gagner la guerre, sâil y en avait une, avec les honneurs et la gloire qui suivraient. Un régiment de voltigeurs placés sous les ordres de Salaberry, pourquoi pas? Il avisa le calendrier au mur. «Nous sommes début mars, se dit-il, il reste suffisamment de temps pour recruter et entraîner des hommes avant que les Yankees ne se montrent à la frontière cet été.»
â Fort bien, messieurs, reprit le gouverneur après réflexion. Salaberry, vous étiez récemment à Chambly, mâa-t-on dit. Un endroit où lâon peut sâattendre à voir passer lâarmée américaine qui souhaite atteindre Montréal.
â Exactly, approuva Salaberry. Câest le chemin quâavaient emprunté les Yankees, en 1775.
Prévost tira une carte du petit meuble vitré qui se trouvait derrière lui et lâétala sur le bureau.
â Voyez, messieurs. Autour du fort, tout ce territoire est vierge, déboisé et inutilisé depuis plus de cent ans.
â Les Français lâappelaient la «banlieue du fort». Le mot a subsisté, expliqua Salaberry. Le village de Chambly est curieusement divisé en deux, de part et dâautre de cet espace entourant la fortification.
Sur la carte, il voyait lâemplacement du manoir de Rouville et ses pensées vagabondèrent vers Chambly. Le visage
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