Khadija
les règles du combat.
— Et puis, ajouta-t-il, il faudra un jour que je reprenne la route avec une caravane. Cette fois, Yâkût al Makhr ne sera pas avec nous. Les vieilles chamelles non plus.
— En ce cas, dit Khadija, tu dois t'exercer sérieusement, pas comme un enfant sur le toit de la maison.
Elle donna l'ordre à Abdonaï de conseiller son époux dans l'achat de méharis de combat et de l'accompagner hors de la ville, loin des curieux, pour lui enseigner le maniement des épées et des dagues.
Quelques jours plus tard, Muhammad surprit la maisonnée en s'asseyant auprès du jeune Zayd, l'esclave revenu avec lui du pays de Sham, afin d'apprendre à se servir du stylet d'écriture. Avec application, il mémorisait les signes des chiffres et la règle des comptes, il notait avec précision les ventes, les échanges et les achats.
Le sage Waraqà en montra de l'humeur :
— Saïda Khadija, ton époux apprend d'un esclave ce qu'il pourrait apprendre de moi.
— Muhammad te considère trop grand savant, il n'ose te demander ce qu'il demande à notre esclave.
C'était dit autant pour adoucir l'orgueil du hanif que par vérité. Waraqà, cependant, considéra qu'il était de son devoir de contrôler les connaissances de Zayd. À Muhammad qui s'en étonnait, il précisa :
— Il en est plus d'un qui se vantent d'être savants dans ce que pourtant ils ignorent. Lorsqu'on est esclave, tous les moyens sont bons pour se rendre indispensable à ses maîtres.
La remarque de Waraqà était désobligeante. Le vieux sage ne montrait pas plus confiance dans le savoir et la sincérité de Zayd que dans le jugement de Muhammad.
Khadija, qui avait remarqué l'affection née entre le jeune esclave, discret, efficace, toujours curieusement vêtu de blanc, et son époux, dit, après le départ de Waraqà :
— Ne t'offense pas de sa suspicion, mon bien-aimé. Qu'un esclave de moins de vingt ans sache manier le stylet d'écriture et compter aussi bien que lui, voilà qui ne peut que lui déplaire !
Et, en riant, elle ajouta :
— Tu sais flatter aussi bien que moi quand cela est nécessaire. Ne l'oublie pas quand tu reverras Waraqà.
Il fut donc décidé que le jeune Zayd ibn Hârita al Kalb subirait une manière d'épreuve sous le tamaris. Khadija, entourée de Muhammad et d'Abdonaï, prit place sur son coussin. Waraqà et l'esclave venu de Sham s'assirent devant eux sur des tabourets.
En vérité, Waraqà fut le premier surpris par les connaissances du jeune garçon. Il possédait lui-même des rouleaux de papyrus provenant du nord, et il put constater que l'écriture de l'esclave était identique à celle qui les couvrait. Pour ce qui était des chiffres et des comptes, il dut admettre que l'esclave en savait plus que lui-même. Pour cacher sa gêne, il demanda à Zayd :
— D'où viens-tu pour en avoir appris autant à ton âge ?
Zayd secoua ses longs cheveux noirs et, d'un regard, consulta Muhammad. Celui-ci l'encouragea d'un signe de la tête.
— Je suis né au pays de Kalb, dit Zayd d'une voix timide. Ce pays appartient au royaume de Ghassan. Mon père y était admiré pour son habileté à sculpter la pierre des temples. C'est lui qui m'a montré comment me servir du stylet d'écriture et m'a appris à lire. Il voulait que je devienne, comme toi, un scribe au service d'un puissant seigneur.
Puis, à Waraqà et à Khadija qui avaient du mal à situer le royaume de Ghassan, il expliqua qu'il s'agissait d'un royaume très riche, tout au nord du désert, au bord de la mer. Un royaume de cités soumises au très puissant pouvoir de ceux qui, encore plus au nord, dans la ville des villes nommée Byzance, vénéraient un dieu unique et sans apparence.
— Le dieu de tous, dit-il, comme on nous l'enseigne, et qui ne se connaît et ne se rencontre que dans l'écriture des rouleaux de papyrus.
Waraqà opina. Cela, il le savait mieux que quiconque dans Mekka, lui, le hanif fils de hanif. Ses coffres contenaient beaucoup de ces rouleaux dont parlait l'esclave de Kalb. Il les avait hérités de son père, qui les avait hérités des anciens de son lignage. Il était loin de les avoir tous lus : ils étaient bien trop nombreux. Et leur écriture brûlait les yeux tant elle était difficile à déchiffrer. Mais tous contenaient quantité d'histoires contant les hauts faits, le pouvoir et la volonté de ce dieu qui n'existait ni dans les pierres ni dans les songes. Pas même les orages, la lumière ou
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