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Khadija

Khadija

Titel: Khadija Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marek Halter
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aussi, remarquait son obstination, elle assura, plissant les yeux :
    — Tu te trompes, bonne cousine. J'ai écouté tes arguments. J'ai reconnu que tu avais raison : je me suis comportée en femme capricieuse. Il est temps que je remercie les dieux de tenir si bien leurs paumes au-dessus de ma maison et de mon époux.
    Ensuite, durant une demi-lune, elle ne parla plus de son désir de fils. Puis approchèrent la saison froide et le moment du départ de Muhammad avec une nouvelle caravane. Dans la pénombre de la chambre, lovée contre le corps de son époux, Khadija chuchota :
    — Je veux te donner un second fils.
    La surprise laissa Muhammad silencieux un court instant. Caressant la nuque et l'épaule de Khadija, il posa ses lèvres sur les siennes avant de murmurer :
    — Tout ce que tu me donnes, je le prends avec joie. Mais tu donnes beaucoup, et moi je donne peu.
    — Tu te trompes. De toi me vient plus que je n'aie jamais reçu.
    Elle rendit le baiser mais retint la caresse qui faisait monter le désir.
    — Le temps passe et tu dois avoir un nouveau fils, répéta-t-elle fermement.
    — Al Qasim fait tout mon bonheur de père.
    — Tu as trop de filles et pas assez de fils. Abu Sofyan a trois fils. Demain, ton pouvoir dans Mekka sera celui de tes fils.
    — Abu Sofyan a trois épouses et autant de concubines. Moi, la nuit où tu m'as ouvert ta couche, j'ai dit : « Khadija bint Khowaylid, tu seras ma seule épouse et mon unique concubine. »
    — Mon aimé !
    Les larmes lui brouillant les yeux, Khadija ne retint plus les poignets de Muhammad. Elle laissa les doigts de son époux inventer une fois encore le bonheur. Mais alors qu'il posait ses lèvres sur son sein, la voix rauque et emportée, elle chuchota :
    — Bientôt je ne pourrai plus, mon aimé. Je serai trop vieille. Mon ventre t'accueillera comme t'accueille le désert. Je dois le vouloir maintenant, ce fils, et toi aussi. Cousine Muhavija prétend que c'est un caprice. Non. Elle ne comprend pas. Bientôt, il sera trop tard... Bientôt, je ne serai plus que ta vieille épouse.
    Les larmes roulaient dans sa gorge. Le souffle du désir encore dans la poitrine, Muhammad se redressa. Il l'observa, l'émotion le troublant à son tour.
    — Femme, murmura-t-il. Femme !
    Et soudain, avec avidité, il la mit nue et la caressa avec une ferveur qui emporta les doutes et les mots dans une jouissance qui les noya comme aux premiers jours de l'amour.
    Plus tard, bien plus tard, dans les dures lunes qui advinrent, Khadija se souvint de cette nuit comme de celle qui clôtura le si parfait bonheur de sa vie, comme les crépuscules, à l'approche de la nuit, incendient les plus beaux jours. Car dans le silence du temps, la pelote du malheur qui si longtemps s'était retenue commença à se dévider.

La mort d'Al Sa'ib
    Muhammad et la caravane furent de retour alors que les premières chaleurs du printemps embrumaient les aubes. Les bâts et les sacs pesaient lourdement sur le pas des chameaux. Les affaires avaient été vivement menées dans les royaumes du Sud où arrivaient les produits précieux de Perse et, parfois aussi, ceux étranges et très rares des lointains pays de l'Est où le soleil se levait toujours en premier. Pourtant, alors que d'ordinaire l'approche de Mekka attisait rires et impatience, Muhammad et ses compagnons allaient le visage clos.
    Vingt jours plus tôt, alors qu'ils s'apprêtaient à franchir les falaises tourmentées enserrant la grande plaine du darb al Kabsi, un vent maléfique s'était levé. La poussière arrachée du sol, tournoyante et aveuglante, avait brutalement rendu l'air aussi irrespirable et sombre qu'une nuée. Elle franchissait les tissus et les paupières, s'incrustait dans les bouches et les gorges. Surpris sur l'étendue d'un plateau en surplomb de ravines, ils avaient dû lutter longtemps contre cette tourmente, visages et yeux bandés, avant de trouver un abri.
    Comment était arrivé l'accident ? Personne ne le sut précisément. Dans les halos de lumière qui traversaient par instants les tourbillons opaques, peut-être Al Sa'ib avait-il cru voir des bêtes s'écarter ? La tourmente l'avait-elle aveuglé au point qu'il n'avait plus pu distinguer les ombres mouvantes de la caravane ? Pourtant, nul plus que lui ne possédait autant d'expérience et de savoir sur les maléfices engendrés par les tempêtes du désert.
    S'il avait hurlé et appelé à l'aide, on ne l'avait pas entendu. Le

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