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Kommandos de femmes

Kommandos de femmes

Titel: Kommandos de femmes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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dit pas plus long, son numéro matricule était crié par la blockowa, et Fabienne se rendit à son appel.
    Cet homme titubant, cet homme au regard douloureux s’avançait vers elle, elle ne le reconnaissait pas. Que lui voulait-il ? Que venait-il faire dans ces lieux défendus ?
    Mais l’homme sourit, d’une faible voix prononça un seul mot, un nom : « Fabienne », et ils tombèrent dans les bras l’un de l’autre, pleurant comme des enfants, murmurant leurs noms désormais réunis : Maurice… Fabienne…
    Et les cinq minutes autorisées passèrent très vite. Tout le block était bouleversé, on s’approchait pour entendre quelques détails. Oui, c’étaient des blocks de malades que nous avions aperçus dès notre arrivée, illuminés comme une usine au travail. Nous avions cru voir des équipes de nuit au travail dans ce lieu isolé et c’étaient les grands malades, relégués là pour mourir.
    Par Maurice Fery, en quelques mots hâtivement dits, nous apprîmes leur misère, leur manque de vêtements, leur nourriture réduite, les sélections fréquentes pour la chambre à gaz. Florence alors enleva ses chaussettes ; Fabienne, son pull-over pour en habiller Maurice ; des serviettes récupérées aux douches furent offertes ; quelques morceaux de pain prélevés sur une pourtant bien maigre ration furent vite rassemblés.
    Mais il fallait ramener ces somptueux cadeaux au camp des malades sans attirer l’attention, aucun paquet n’étant permis. Ces différents vêtements furent enroulés autour du corps, autour des jambes et arrivèrent sans encombre à domicile.
    Seulement il n’avait pas été prévu que le pull-over ferait des envieux et que le chef de « chambrée », un Polonais, jetterait son dévolu sur cet objet rare. Ce fut d’abord une demande directe, puis des menaces, puis la fouille et un tas de tracasseries qui n’aboutirent pas. Alors ce chef de chambre aperçut les serviettes des douches, les serviettes du Grand Reich, propriété d’État et non propriété personnelle et il voulut en connaître la provenance. Difficile à expliquer, impossible à révéler, un drame pouvait naître de l’angoissante réponse : vingt-cinq coups réglementaires ou la corde !… Un ami de ce chef discuta avec lui ou plutôt marchanda… et l’affaire put s’arranger sans corde ni bâton.
    *
    * *
    Nous cxxvi commençons la seconde quinzaine d’avril, la soupe n’est plus que de l’eau où nagent quelques betteraves déshydratées, la boule de pain est couverte de moisissures, et nous mâchons l’herbe que nous trouvons.
    J’ai accepté d’aller travailler dans ces magasins où l’on trouve les choses les plus hétéroclites que nous devons trier, entre autres, vêtements civils et militaires.
    Les camarades qui m’entraînent à les suivre ont appris que nous pourrions avoir des pommes de terre et que nous pourrons ainsi les faire cuire nous-mêmes.
    Nous quittons donc la baraque de la vallée au paysage bucolique où nous étions parquées et remontons les quatre-vingt-six marches de la fameuse carrière sanglante, pour retrouver nos blocks de quarantaine séparés de ceux des hommes par un mur de quelques mètres.
    Ma mère a accepté d’aider au nettoyage du block, ainsi nous ne serons pas séparées et je pourrai, tout au moins, la retrouver le soir et lui apporter une ou deux pommes de terre ; elle souffre terriblement de la faim, beaucoup plus que moi encore.
    Ce jour-là, nous traversions le camp des hommes pour nous rendre aux douches, la colonne s’étirait sur le lagerstrass et croisait une autre colonne d’hommes. Au passage une voix s’éleva parmi eux : « Y a-t-il parmi vous des femmes de Nîmes ? »
    C’était mon père, en guenilles, pieds nus, la tête rasée, énorme, gonflée par l’œdème.
    Comment reconnaître dans ce loqueteux l’homme si jeune d’allure encore, arrêté dix-huit mois plus tôt par la Gestapo ?
    « Votre père a été fusillé », m’avait-on dit à plusieurs reprises, lors des interrogatoires et nous le retrouvions là, dans ce camp, aussi misérable que nous-mêmes, mais vivant.
    Nous essayons de nous rapprocher, nous voudrions l’embrasser mais nous sommes séparés aussitôt par nos gardiens.
    J’appris tout de même que je pourrai le revoir le lendemain en rentrant du travail, à travers le grillage qui ceinturait l’atelier où il travaillait lui-même. En effet, il attendait mon passage et je pus lui jeter,

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