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Kommandos de femmes

Kommandos de femmes

Titel: Kommandos de femmes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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prendre la force de gravir les six kilomètres, avec cette flamme à l’horizon : l’épuisement, le calvaire… Enfin, on devine la masse du camp et de son portail. On se sent presque toucher au port ; dans quelques minutes on va s’abattre sur le plancher auprès de celles qui nous guettent, dans quelle angoisse ! Non ! pas encore ! Il y a « Alarm », le portail est verrouillé et nous devons « pauser » devant l’entrée. Nous savons ce qui arrive à celles qui tombent… Mais, tout à coup, presque toutes ensemble, on se laisse tomber à terre. Ils feront ce qu’ils voudront ! La peur, l’horreur, l’épuisement sont dépassés ! Pour eux aussi, sans doute, car il n’y a aucune réaction ; enfin la porte s’ouvre. On nous refourre aux douches jusqu’à l’aube, puis nous rentrons au block.
    28 mars 1945 : ce mercredi où maman nous quitte pour toujours, emportée par l’œdème de la famine qui l’a envahie, les conditions de vie sont devenues telles qu’une pensée vient sans cesse au secours de notre déchirement : « Elle ne voit plus ça ! »
    *
    * *
    Des dizaines de Français du camp des hommes tentent de faire parvenir des messages au block des femmes. Ces déportés ont été arrêtés en même temps que leur mère, leur femme, leur sœur ou leur fille et tous espèrent apercevoir, peut-être rencontrer, celle dont ils n’ont pas de nouvelles depuis des mois, des années souvent.
    — Fabienne cxxv apprit ainsi que son mari était dans le camp des grands malades, il était là, vivant encore, et elle lui écrivit, non pas officiellement, c’était absolument défendu, mais par transmissions officieuses.
    Ces quelques lignes apprirent ainsi à Maurice Fery que sa femme était elle aussi à Mauthausen.
    Et tout à sa joie de savoir sa femme vivante, il répétait aux copains : « Ma femme est là, je viens de recevoir un petit mot de sa main, oui, elle est là-bas ! »
    Sans commettre d’indiscrétion, semblait-il, parce que la joie était partagée, le petit mot circula avec l’heureuse nouvelle. Il fallait bien donner des preuves, tant de bobards arrivaient pour être démentis peu de temps après.
    C’était donc certain, Fabienne, la femme de Maurice Fery, était au block 16. Et de commenter et de colporter les renseignements recueillis.
    « Oui, Maurice a retrouvé sa femme, ce sera peut-être notre tour bientôt », songeaient quelques-uns.
    Le camp des grands malades tout entier se reprenait à espérer parce que le sort avait favorisé l’un d’eux !
    Mais les relations entre hommes et femmes, entre le camp des malades et le grand camp étaient presque impossibles. C’est pourquoi Maurice dut se risquer à demander l’autorisation de voir sa femme.
    Il n’y avait pas que la permission de visite à obtenir, il fallait aussi des habits pour se présenter au grand camp, car les malades n’avaient droit qu’à une chemise et à un caleçon (lorsqu’il y en avait) et restaient souvent nus, drapés dans un lambeau de couverture.
    Problème donc difficile que cette visite si espérée ! Enfin nanti d’une autorisation d’une durée de cinq minutes, habillé d’un costume rayé propre, Maurice se mit à la recherche de nouvelles arrivées et, après quelques crochets involontaires arriva au block 16.
    Dehors, les femmes s’épouillaient, cherchaient dans le refuge des couvertures ces bestioles sans cesse affamées. L’une confiait sa tête à une compagne complaisante tandis qu’une vieille femme, ajustant des lunettes sauvées par miracle, enlevait sa chemise, laissant voir de pauvres seins flétris, flasques, parsemés de morsures et de plaies.
    Reléguées dans un enclos spécial pour la quarantaine, les femmes vivaient isolées des hommes et seuls les départs ou rentrées de kommando permettaient quelques brefs échanges de paroles.
    C’est dans cette cour des Miracles, digne du Moyen Âge, que Maurice arriva.
    Squelette ambulant, ayant à peine la force de marcher, essoufflé par la montée au grand camp, souffrant d’une double otite, brisé par l’émotion, il regardait ces corps faméliques, ces femmes n’ayant plus rien de féminin et cherchait du regard celle qu’il espérait tant revoir.
    Fabienne cousait avec Hélène, de Tours, à l’intérieur du block. Elle vit passer cet être décharné et dit à Hélène :
    — Les hommes sont encore plus maigres que nous, regarde celui-là, c’est un véritable squelette.
    Elle n’en

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