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Kommandos de femmes

Kommandos de femmes

Titel: Kommandos de femmes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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mange pas mon pain, il a fallu que l’on ne puisse me trouver du sucre, il a fallu que je ne mange pas tous les bonbons, il a fallu que je vienne la voir ce jour-là… pas la veille, c’eût été trop tôt. Pas le lendemain, c’eût été trop tard.
    Moins de quinze jours plus tard, nous étions libérées.
    Annick était des nôtres. Elle fut hospitalisée à Saint-Gallen.

XXI
BERGEN-BELSEN
    ET PUIS, IL Y EUT BERGEN- BELSEN cxxviii
    *
    * *
    Dix jours après la libération, en vingt-quatre heures : 1 732 nouveaux cadavres. Rien. Jamais rien n’égalera dans l’horreur Bergen-Belsen. Dans d’autres camps on tuait, on exterminait, ici on laissait faire… Ils ne sont aujourd’hui que quelques pauvres survivants ; ceux-là, seuls, peuvent savoir ce que fût Bergen-Belsen et encore n’ont-ils vu que « leur coin », mais ce coin rassemblait, presque toujours, tous les éléments du drame.
    Je pense que le « phénomène » Bergen-Belsen ne sera jamais totalement expliqué car ce camp ne ressemble à aucun autre. C’est un damier dont chaque case est isolée. Les parcs ainsi constitués, abritent un groupe spécial, régi par des lois particulières. Des Juifs survivants des ghettos vivent richement, en famille ; ils ont conservé bijoux, argent, valises. À côté, des femmes polonaises allemandes s’entassent sous des tentes et s’épuisent à des travaux de force. Plus loin une case de diamantaires hollandais, des Juifs de Bengasi, des Françaises et leurs enfants, des Grecs de Salonique… la case des Juifs polonais détenteurs de passeports américains, des cases turques, albanaises… enfin le « petit camp » : six blocks, puis huit, réservés aux déchets des reviers d’autres camps… Il semble bien que Bergen-Belsen, ancien « aiguillage  » pour les convois de prisonniers de guerre et camp d’exécution pour certaines catégories de prisonniers (50 000 combattants russes reposent dans des fosses communes) soit devenu dès 1943, sous l’autorité des S.S. qui ont emprunté à l’armée une partie de ses terrains, le camp des « Ils pourront bien servir à quelque chose ».
    Ils pourront bien servir à quelque chose, ces Juifs privilégiés : échanges, négociations, chantages.
    Ils pourront bien servir à quelque chose, ces déportés politiques malades que, dans sa bienveillance légendaire, le Reich s’est refusé à exterminer.
    En quelque sorte, Bergen-Belsen que l’on doit sans doute au génie créateur d’Himmler, seigneur tout-puissant des camps, servait de « réserve en cas de besoin ». Et ces réserves furent parfois utilisées : des Juifs privilégiés échangés contre des prisonniers allemands découvrirent la Palestine ; la plupart cependant disparurent dans les chambres à gaz d’Auschwitz et de Tréblinka. Bergen devint enfin le camp des dernières illusions nazies. Ils concentrèrent sur cette clairière encore « libre » tous les convois évacués. Avec eux arriva le typhus.
    Première semaine de janvier 1945.
    Un quai cxxix , une pancarte : Bergen-Belsen.
    C’est peu. Ce quai suinte la désolation, par tous les cailloux du chemin, ça sent la mort et combien plus sinistre encore est ce quai comparé à celui de Ravensbrück. Même avec le peu d’illusions qui me reste, je crois que ce sera notre dernière étape, notre dernier voyage avant celui de l’éternel.
    Les mères descendent avec leur bébé dans les bras, ces petits sont morts de froid, de faim et de maladie, leurs petits membres raidis, leur ventre gonflé comme une baudruche font mal à voir ; leur peau qui, à cet âge, devrait être si douce et si rose, est plissée, ridée comme celle des vieillards. Les pauvres femmes, l’air hagard, semblent privées de raison. Le regard fou, elles crient leur désespoir et couvrent leur petit cadavre de baisers : les derniers ! Elles les serrent convulsivement contre elles, voulant croire encore que la chaleur de leur corps redonnera un peu de vie à ces petits. Cela frise la folie, l’impensable, et pourtant, c’est affreusement vrai.
    Une pluie glaciale, mêlée à la neige, tombe, mais on ne la sent même plus transpercer nos minces robes rayées. Tout comme la douleur, il arrive un moment où le corps qui a tellement reçu de coups ne les sent plus ; pour le froid c’est pareil. Nous avons si froid qu’il est impossible d’être plus glacées.
    Soudain, un officier lance un ordre bref :
    — Mettez tous les cadavres sur le

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