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Kommandos de femmes

Kommandos de femmes

Titel: Kommandos de femmes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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par-dessus la grille, une paire de chaussures usagées et un imperméable découverts dans le magasin où j’avais passé la journée.
    Le dimanche suivant, il obtint, par l’intermédiaire d’un kapo espagnol qui, pourtant, n’avait pas la réputation d’un tendre, l’autorisation de franchir l’enceinte de notre camp pour arriver jusqu’au block des femmes.
    Il portait alors une chemise prêtée par un camarade russe du même block. Il put rester une heure près de nous pendant laquelle il fut assailli de questions par nos camarades, sans nouvelles de leur mari, et bien inquiètes sur leur sort.
    Il en connaissait plusieurs d’entre eux rencontrés dans divers kommandos et savait qu’ils avaient été assassinés. Lui-même n’avait survécu que par miracle, dans ce sinistre camp, où il connaissait depuis plus d’un an la faim, le froid, les punitions et les tortures.
    En fait, nous avions connu, tous les trois, les mêmes misères, les mêmes épreuves et nous nous retrouvions dix-huit mois après notre arrestation. Fait extraordinaire, presque unique dans l’histoire de la déportation.
    Tenir encore quelques jours, les plus terribles peut-être, car nous sentons que la fin approche et nous nous demandons, avec angoisse, ce qu’ils vont faire de nous au dernier moment.
    *
    * *
    Annick cxxvii était au revier de Mauthausen. Je ne pouvais l’aider matériellement, je n’avais rien ; je n’avais que mon corps pour travailler, mon cœur pour souffrir, mon âme pour survivre.
    Annick refusait Dieu :
    — Si Dieu existe, me disait-elle un jour, alors il est plus méchant que moi, parce que moi, « ça », je ne l’aurais pas accepté.
    Il me sembla qu’elle attendait ma réponse. Je sentis que de moi, peut-être, allait dépendre la foi d’Annick et donc, aussi sa force de résistance à la mort. Il m’était difficile de lui répondre. Comme elle, j’avais refusé Dieu : la « bonté divine » en pareil lieu, je ne pouvais l’accepter. C’est quand, pour la première fois, j’ai vu les enfants dans ce camp, que je me suis révoltée contre Dieu. De toutes mes fibres, je refusais l’idée de « bonté divine ». J’ai refusé Dieu immédiatement, violemment, avec la force de mes vingt ans.
    Mais si je pouvais supporter de ne plus croire, je sentais qu’Annick, elle, en avait besoin et je cherchais par tous les moyens à lui faire retrouver confiance en son Dieu. À chacune de mes visites, j’insistai, trouvant je ne sais plus quelles excuses ni quels arguments pour les convaincre que, malgré les camp, malgré toutes les horreurs, Dieu existait quand même. Bien sûr je me heurtais toujours à sa négation. À chaque visite aussi, elle me demandait de l’aider. Je pouvais bien peu de choses et je me souviens de cet espèce de désespoir, de ce sentiment d’impuissance et de lassitude, le jour où elle me demanda de lui apporter du sucre. Du sucre !…
    Cela se passait aux environs de Pâques 1945. Après quelques jours, je parvins à m’adresser à un des hommes qui travaillaient avec nous. Combien ai-je donné de pain en échange ? Je ne me souviens plus.
    Quand je revis l’homme il me dit :
    — Je n’ai pas pu avoir du sucre, mais j’ai des bonbons, si vous les voulez… c’est aussi du sucre.
    Je pris le petit sac de bonbons. Comme tous mes camarades, j’avais faim, faim. Je mangeai un bonbon, deux bonbons, trois… Je ne pouvais m’arrêter… Pourquoi n’ai-je pas tout mangé ? J’en avais le droit, je n’avais rien promis.
    J’allais voir Annick. Une infirmière me dit :
    — Elle est morte !
    Je m’approchais : elle était mourante. Annick me dit :
    — Monique, pour moi c’est la fin et ton bon Dieu, il n’existe pas, maintenant j’en suis certaine…
    — Pourquoi Annick ?
    — Ce matin, je lui ai demandé de me donner une preuve de son existence, je ne l’ai pas eue.
    — Qu’as-tu demandé ?
    — Je lui ai demandé des bonbons !
    Je ressentis un choc et, lui tendant mon paquet, je criais :
    — Annick ! Annick ! regarde ce que je t’apporte, oui Annick, des bonbons… Tu entends Annick ? Si Dieu t’apporte la preuve de son existence, ce n’est pas pour t’abandonner. Tu dois vivre à présent… te forcer à vivre !
    Annick me regardait et ne comprenait pas, ne pouvait pas comprendre, puis, elle a ouvert la main, pris les bonbons et, bien sûr, « elle a cru ».
    Elle a cru parce qu’il a fallu…
    Il a fallu que je ne

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