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Kommandos de femmes

Kommandos de femmes

Titel: Kommandos de femmes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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imperméables ne valent pas mieux, ils sont minces.
    Mon manteau doit être d’une taille « fillette douze ans ». J’ai reçu deux coups de bâton sur la tête par la « Miscka ». Je lui dis être engoncée, privée de mouvements. Elle me fait traduire que bientôt il m’ira comme un gant ! Et pour cause ! Bientôt la « goulache » ou la soupe blanche sucrée à la saccharine est supprimée ; le dimanche, il arrivait que l’on nous serve cette « gâterie ». Nous la dégustions malgré les ravages de coliques qu’elle déclenchait.
    Noël approche, nous sommes loin des nôtres, sans nouvelles. Il fait très froid : moins 22°, et cela jusqu’au 20 janvier 1945. Les carreaux sont blancs de givre, nous avons un peu de feu, la nourriture diminue. Le bruit court de l’arrivée de colis de la Croix-Rouge, à raison de un pour quatre. En effet, c’est la distribution. Les Boches les fouillent, prennent tout ce qui leur convient. Il y a des lentilles, pois cassés, semoule, chocolat. Les cigarettes, si convoitées, nous sont volées, ainsi que le lait en poudre, le sucre, le cacao. Les parts sont faites par nos responsables de table. Nous décidons de mettre en commun : légumes secs, lait, une partie du sucre, la semoule, le cacao. Par l’intermédiaire d’Hélène qui parle allemand, nous avons la permission de cuire ces « merveilles » sur le poêle ronflant des « blockowas », à condition de leur faire partager ce festin.
    Magda qui tenait un restaurant avant son arrestation, aidée de quelques camarades, prépare, dans des marmites hétéroclites : pois, lentilles (très longues à cuire), un gâteau de semoule chocolaté. C’est Noël ! Je crois que nous avons encore plus faim. L’estomac tiraille, c’est affreux !
    Wanda, Véra, Maria viennent m’embrasser ce matin de Noël : elles pleurent, moi aussi : « Mama », me disent-elles. Pauvres petites filles ! elles sont si jeunes ! Je vois encore leurs yeux très bleus, si profondément tristes. À chacune, je donne deux morceaux de sucre et un petit chapelet que je confectionne avec des perles découvertes en chipant les vis. M me  Viel fait de ravissantes petites croix en fils de cuivre. « Noël sans messe n’est pas Noël », nous dit Marie Savin, la petite Sainte, « il faut faire quelque chose ». Elle fait demander un aumônier, mais le refus est formel. Nous dirons donc le chapelet à haute voix. Toutes celles qui veulent le réciter s’approchent du noyau que nous formons. La semaine qui précède le jour de l’an est néfaste. Quelque chose ne va pas ! Les S.S. sont de plus en plus hargneux, sévères ; la soupe est claire, le pain diminue. Beaucoup de camarades entrent au revier…
    Fin février, nous ne travaillons plus. Des convois arrivent de Ravensbrück. Nous sommes plus de neuf cents maintenant… et nous n’avons que deux lavabos.
    Les bombardements se succèdent sans relâche sur Berlin. Les alertes sont très fréquentes. Un soir de cette fin de février, une angoisse nous étreint. Hélène Rosenberg et Maria, la petite Autrichienne, toutes deux Juives, sont appelées. Hélène, confiante, parle trop avec la chef de la couture et les Allemandes droit commun. Elles ont été dénoncées comme étant juives. Elles nous quittent pour ne pas revenir. Chambre à gaz, crématoire.
    Le printemps s’annonce. Les arbustes du jardin du commandant bourgeonnent. D’autres femmes arrivent de Ravensbrück, d’Auschwitz… nous nous nourrissons de recettes de cuisine, surtout de celles qui contiennent beaucoup de beurre. Je me souviens du gâteau de Madeleine ! Pruneaux, figues, raisins, abricots secs, une multitude d’œufs, de beurre, de farine blanche. Et puis le coq au vin d’Annie, l’île flottante de Juliette !
    23 mars. Je suis triste à mourir. Je ne veux pas quitter ma paillasse pour suivre la « promenade » autour du camp. Soleil. C’est l’anniversaire de mon Roger… dix-sept ans. Je trace longuement sur mon carnet sa vie, mes souvenirs de son enfance. Juliette vient me chercher. Elle lit mes notes avec Marguerite. Nous pleurons toutes trois. Toutain, cette brave Normande, compte les alertes, nous en sommes à la cent quatorzième…
    Dieu ! que nous avons faim !
    28 mars. Un matin comme tant d’autres. Le temps est clair ; le soleil brille. Il est dix heures vingt, nous sommes sur nos paillasses. Soudain : « Alerte ! » Nous descendons à l’abri. Une dizaine de

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