Kommandos de femmes
reproche notre travail à l’usine.
— « Mais il n’est pas plus conforme à nos sentiments de Françaises de refaire des routes pour que les camions allemands y passent, et de creuser des tranchées. Refuser, c’est payer immédiatement de sa vie. Alors ? Il faut faire le travail le moins pénible et saboter dès qu’on le peut. »
Évelyne ajoute :
— La solution serait de se croiser les bras.
— Parfaitement, et j’ai demandé à parler au commandant du camp pour lui dire qu’on ne doit pas faire travailler des déportés politiques, dit Violette.
— Nous essayons de la calmer. Impossible, la chimiste est résolue à protester. Le lendemain, nous nous précipitons au block 3 pour avoir des nouvelles. Violette a vu le commandant. Résultat : huit jours sans pain pour avoir osé le déranger et, si sa rébellion ne cesse pas, elle sera pendue… En attendant elle a été toute la journée de la corvée chargée de vider les latrines.
*
* *
Nous étions xxiii chargées de couper des douilles par petites longueurs sur une machine. Deux jours après, voilà que ma petite camarade me dit : « Léone, je ne me sens pas bien du tout, je suis très malade…» Je suis allée trouver l’Aufseherin et lui ai dit :
— « Camarade ich bin krank. »
Oh la v… ! d’Aufseherin, elle m’a allongé quelques gifles et coups de pied dans les fesses qui m’ont appris pourquoi les camarades n’avaient pas de cœur les unes pour les autres. Enfin, elle est venue voir et a appelé quelques femmes pour la faire descendre au sous-sol. Discrètement, je suis, retournée au sous-sol pour voir si ma camarade allait mieux, elle était de plus en plus malade, mais elle m’a dit :
— Ne reviens pas avant la fin du travail, car, si l’on te voit, tu vas être battue à mort.
Je suis repartie pour ne pas la tourmenter, personne ne s’était aperçu de mon escapade. Un peu plus tard, j’y suis retournée et je l’ai vue agonisante. Je n’ai pas pu résister à aller avertir l’Aufseherin, et elle m’a battue. Ah, ce que j’ai pu prendre, j’ai cru que ma dernière minute était arrivée. Elle m’a tapé en pleine figure, le sang coulait à flots de mon nez, de ma bouche, des oreilles. J’ai pensé que j’allais faire une hémorragie, moi qui n’avais déjà pas trop de sang. Je suis remontée, une petite Russe m’a emmenée au lavabo me disant « waser » , elle m’a jeté de l’eau au moment où je m’y attendais le moins, cela m’a transie et le sang s’est arrêté de couler. Elle m’a embrassée et nous sommes remontées à notre travail.
Ce travail m’inspirait du dégoût et de la rage en pensant que c’était pour faire des avions pour la guerre. J’ai toute ma vie été patriote, je tiens cela de mon père et j’ai décidé d’en faire le moins possible et surtout le plus mal possible et en gâchant la marchandise. Mais il fallait toujours faire semblant de travailler, les meisters circulaient entre les machines…
Ces imbéciles m’ont dit :
— Il faut faire très attention car, si les pièces ne tombent pas juste, l’aviateur qui sera dans l’avion se tuera en descendant.
Oh, comme j’étais contente de savoir cela car je voulais bien que l’aviateur se casse la figure. Le meister m’a regardé faire et je me suis appliquée du mieux que j’ai pu. J’en ai fait beaucoup devant lui. Il est resté toute la soirée près de moi. Il a dû penser que je travaillais très bien et vite. J’en ai profité pour lui demander si je ne pourrais pas travailler assise prétextant que j’avais des plaies sur les jambes et qu’elles étaient enflées le soir. Il me l’a permis. Je pensais bien, quand il ne serait plus près de moi, faire du sabotage. Il réglait plusieurs fois par jour ma machine. J’ai compris comment je pouvais saboter sans qu’il s’en aperçoive, même quand il était près de moi. Avec mes genoux, je soulevais la machine, ce qui ne la laissait plus d’aplomb et les pièces n’étaient pas correctes. Cela a duré pendant environ un mois, mais un jour il a compris que celle qui travaillait la nuit ne déréglait jamais la machine alors qu’elle l’était toujours pendant le jour. On m’a surveillée, accusée de sabotage et renvoyée au camp…
Je venais de m’endormir quand la Vali, une kolonkowa russe – une volontaire du travail qui avait été arrêtée pour avoir couché avec un prisonnier français ; c’était une fille
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