Kommandos de femmes
langue et donnait des mirages.
— Nous avions sommeil. Rarement nous nous couchions avant dix heures. Or il fallait nous lever à deux heures et demie, quand, vers minuit, on ne venait pas nous chercher soit pour un appel, soit pour une corvée de tinette. Pour moi, le plus terrible, c’était encore les semaines où j’étais d’équipe de nuit. À l’usine, malgré les menaces et les coups, je retombais sans cesse endormie sur ma machine.
— Vers minuit, nous avions droit d’aller aux w.c. Il arrivait même que cette autorisation nous soit refusée. J’ai vu des femmes âgées en pleurer, ou bien nous prenions des boîtes à conserves vides que nous vidions ensuite dans les carters des machines. Quand nous étions de nuit, il n’était pas possible de se reposer le jour car la blockowa inventait alors de diaboliques raisons pour empêcher tout repos. C’était une corvée, une punition, un appel.
— Souvent, sous le fallacieux prétexte d’épouillage, nous devions déposer à la porte du dortoir couvertures, vêtements et les quelques objets que peu à peu nous avions réussi à nous procurer. Après deux ou trois heures de pause nous recevions l’autorisation de venir reprendre nos effets. C’était alors une ruée. Il était impossible de reconnaître son bien et au hasard, bousculées et battues par les Russes et les Polonaises, nous nous emparions de ce qu’il nous fallait pour nous vêtir. Le linge ainsi mélangé était encore plus dégoûtant et si possible plus grouillant de vermine.
— Quelles déchéances, quelles insultes que ces longues stations toutes nues ou ces examens qu’il nous fallait subir. Souffrance aussi de ne rien savoir des siens, de vivre séparée de tout, du moindre objet qui aurait pu nous rappeler un être tendrement aimé. Ne rien savoir du lendemain, mais épreuve plus terrible de toutes ce fut de voir souffrir ma mère sans pouvoir lui apporter le moindre soulagement, pas même un peu d’eau. Elle fut telle que j’en vins à souhaiter, à désirer la mort de celle que j’aime par-dessus tout, mais je ne pouvais plus ; c’était horrible de la voir agoniser lentement et de rester là, impuissante. J’ai mal encore en y pensant.
— Notre xxxviii arrivée dans le village avait suscité quelque étonnement : les habitants ignoraient, semble-t-il, jusqu’à l’existence des camps de concentration. Nos contremaîtres nous demandaient ce que nous avions fait ; quand ils apprirent que nous étions des résistants et non des prisonnières de droit commun, ils devinrent très respectueux en tout cas celui de notre équipe surnommé « Petitbras » . « Ah ! si nos femmes savaient être aussi courageuses, peut-être pourrions-nous être sauvés ! » Très vite, pour éviter la curiosité des civils qui s’attroupaient sur notre passage, les S.S. firent creuser des couloirs souterrains, de la gare jusqu’à la mine ; et quarante-cinq jours plus tard, c’est par ce tunnel poussiéreux, à peine éclairé de loin en loin, trébuchant avec nos sabots sur les rails des wagonnets et tombant plus d’une fois, que s’effectuaient départ et arrivée (une heure), toujours talonnées par les S.S. Plus de soleil, plus de chants de route.
— Trop rapidement aussi d’autres transports nous rejoignirent : au bout de trois semaines, cinq cents Hollandaises ; vers octobre, sept cents Polonaises. Mêmes locaux, mêmes rations alimentaires ; il fallut se serrer, se priver ; même l’eau manqua et les caractères s’aigrirent. Le plus dur était l’appel et l’attente dans le froid, pour descendre par vingt dans chaque benne.
— Vint l’hiver, vinrent les poux. Puis le travail se fit en deux équipes, l’une de jour, l’autre de nuit ; quand nous avions travaillé la nuit, il était impossible de dormir le jour au block ; où l’on faisait le ménage et où tout s’effectuait avec vociférations et menaces.
— Les travailleuses xxxix libres, les Polonaises, les Tziganes, rendaient le travail fatiguant au possible par le rendement qu’elles fournissaient pour se faire bien voir ou pour obtenir de menus adoucissements. Car les meilleures travailleuses touchaient des bons dits « marks de camp » , avec lesquels elles avaient la possibilité d’acheter à une cantine du vinaigre de toilette, des porte-plumes sans encre ni plumes, de la poudre, du rouge à lèvres.
— Les coups xl , les brimades ne nous ont pas empêchées de saboter,
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