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Kommandos de femmes

Kommandos de femmes

Titel: Kommandos de femmes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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le sabotage était considéré comme les 80 % de la production. Nos chefs étaient fous contre nous. Pour nous encourager à mieux faire, ils ont distribué des primes qui étaient assez avantageuses puisque c’était du ravitaillement et que nous la sautions, mais nous avons refusé les primes. J’étais dans les premières qui les ont refusées au Blockführer, je suis même passée la première, il a eu l’air étonné mais n’a trop rien dit, il insiste pour que je prenne les marchandises et essaye de me les mettre dans les bras ; je mets mes bras le long du corps, il n’insiste plus, me laisse partir, mais au cinquième refus de mes amies, il arrête la distribution et va chercher le Scharführer, ça discute, et ils terminent en jetant les marchandises, et toutes les Allemandes de se battre pour les accaparer. Sur ces entrefaites arrive l’équipe du jour, nous leur disons qu’il faut refuser les primes, à l’unanimité, elles refusent ; elles étaient une trentaine, la menace de vingt-cinq coups de goummi ne les a pas fait faiblir, après ils ont changé la méthode de distribution, les primes nous étaient données à la mine, mais toutes les amies ont continué de les refuser.
    — À Beendorf xli aussi les S.S. ont cherché à nous réduire au rang de bêtes ; je me souviens notamment de mes révoltes quand, certains jours, l’Aufseherin ayant coupé un pain en petits morceaux, les jetait par terre, satisfaite de voir des femmes se précipiter à quatre pattes en une espèce de mêlée de rugby, se piétiner, se battre pour en attraper un morceau.
    — Cependant notre contremaître était un très brave homme. Peintre miniaturiste dans le civil, réquisitionné là par les circonstances. Quand il y avait une inspection, il nous prévenait, disait « 22 », comme il nous avait entendu dire. Les deux fois où il est parti en permission voir sa femme et sa fille, il a laissé ses tickets de soupe ; son remplaçant « touchait » chaque jour sa soupe, et nous allions, à tour de rôle, les huit ou neuf de la chaîne, cachées derrière un échafaudage de caisses, en absorber deux cuillères, sans tricher !
    — À Beendorf, Mado, assistante sociale, a toujours soutenu mon courage. Côte à côte dans les rangs, quand nous ne chantions pas, elle me répétait « Ils peuvent tuer nos corps, mais ils n’auront pas nos âmes ! » durant les appels ou les longues punitions debout, je lui faisais réciter les mots d’allemand que j’apprenais d’une Lorraine : nom des outils, ou phrases d’usage courant. À l’usine, nous étions dans la même chaîne de travail, et bavardions quand nous le pouvions ; elle ne se lassait pas de rappeler ses souvenirs d’enfance, me parlant de sa mère, de sa sœur. Nous pensions beaucoup aussi à la joie du retour. Quand il fallut se serrer au dortoir, nous partageâmes la même paillasse, au troisième.
    — Protestante, elle s’intéressait à tout ce que je pouvais lui dire de l’Église Molkite dont je faisais partie. Dès le premier dimanche, elle me proposa : « Veux-tu prier avec moi ? À moins que tu ne préfères aller avec « tes » catholiques ? » Les dortoirs étant trop bruyants, c’est au jardin, du côté des latrines (le seul côté permis), que nous arrivions à nous recueillir un moment : « Nous tutoyons Dieu. — Vas-y, tutoie. » Nous disions le « Notre Père ». Elle essayait de se rappeler un psaume : « Tu sais, le psaume de la captivité de Sion…», mais je ne savais rien des psaumes à cette époque.
    « Quel dommage que je ne sache pas par cœur des psaumes » , répétait Mado ; elle savait pourtant quelques versets de l’un ou l’autre, et les disait. « Tu devrais demander à « Petitbras » (notre contremaître) de nous procurer une bible ou un psautier en français. » Comme je baragouinais quelques mots d’allemand, j’étais toujours la déléguée de notre chaîne auprès du contremaître. C’est ainsi d’ailleurs que j’avais pu faire embaucher à notre atelier deux camarades fatiguées ; car nous étions privilégiées, nous travaillions assises. Malgré les risques qu’il courait, « Petitbras » nous prêta, pour une semaine, une Bible en français ; nous avons pu copier quelques psaumes, notamment le 125 : « Quand le Seigneur ramena nos captifs…» le 136 : « Au bord des fleuves de Babylone… nous pleurions…» ainsi que le 129 : « De profundis…» et le

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