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La 25ème Heure

La 25ème Heure

Titel: La 25ème Heure Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Virgil Gheorghiu
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fasse justice, dit Iohann Moritz. Mais je vois que la justice de l’homme est morte sur toute la surface de la terre. Je ne veux rien d’autre.
    – Tu peux quand même prendre une cigarette, dit le docteur Abramovici en tendant à Moritz son paquet de Lucky-Strike.
    Il souriait.
    – Nous avons été camarades dans le malheur, mon cher Iankel
    Iohann Moritz tendit la main pour prendre une cigarette. Le paquet était vide. Le docteur fouilla ses poches pour en trouver un autre, mais il n’en avait plus sur lui.
    – Je t’offrirai une cigarette la prochaine fois que je reviendrai par ici, mon cher Iankel, dit-il.
    Puis il partit.
     
     
     
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    L e prêtre Koruga demeurait – ses béquilles sur les genoux – devant l’officier qui l’interrogeait.
    – Si vous n’étiez ni nazi, ni collaborateur, que veniez-vous faire en Allemagne ? demanda l’officier. L’histoire que vous racontez et selon laquelle vous vous seriez réveillé dans un hôpital militaire allemand, sans savoir comment vous y étiez arrivé est tout juste bonne à être dite à des gosses. De telles choses ne peuvent arriver que dans vos contes fantastiques des Balkans, mais jamais dans la vie. Pour un officier américain, cette histoire est cousue de fil blanc. Elle est trop mœrcbenhaft, trop conte de fées. Pourquoi les Allemands vous auraient-ils gardé dans leur hôpital si vous n’étiez ni leur ami, ni leur collaborateur ? Pourquoi vous auraient-ils soigné pendant six mois et amputé de vos deux jambes ? Parce que vous étiez leur ennemi ? Par simples sentiments humanitaires ? Depuis quand seraient-ils devenus humanitaires ? Les Allemands ont enfermé et passé à la chambre à gaz tous leurs ennemis. Vous étiez leur collaborateur. Et c’est pourquoi ils vous ont soigné. Vous devez être fort triste que Hitler n’ait pas gagné la guerre.
    Le prêtre Koruga gardait le silence. Il était pâle. De ses sourcils perlaient des gouttes de sueur. Il se tenait à peine sur sa chaise. Depuis que ses jambes avaient été coupées, il ne pouvait rester qu’étendu. Et il avait aussi de la fièvre. Il aurait voulu que l’interrogatoire prenne fin le plus tôt possible et qu’il lui soit permis de quitter cette chaise.
    – Vous auriez été fort heureux que Hitler gagne la guerre, n’est-ce pas ? reprit l’officier. Hitler vous aurait nommé Métropolite en Roumanie, s’il avait gagné la guerre. Vous auriez été bien content ?
    – Non, je n’aurais pas été content, dit le prêtre.
    – Alors, avez-vous été content que les Alliés la gagnent ?
    – Pas davantage, répondit le prêtre.
    Le lieutenant fronça les sourcils. Alexandru Koruga sourit et dit :
    – Aucune victoire remportée par les armes ne saurait me rendre heureux.
    Tout en parlant, le prêtre Koruga regardait sur les murs les photos prises dans les camps de concentration allemands. Et il pensait aux cadavres du procureur George Damian, à celui de Vasile Apostol et à ceux des autres paysans de Fântâna abattus en même temps que lui par Marcou Goldenberg et jetés dans la fosse à purin, derrière l’étable de la mairie. Il pensait aux cadavres des enfants de Dresde, de Francfort, de Berlin. Il pensait aux cadavres de Dunkerque et de Stalingrad. Et il ne pouvait se réjouir en pensant à tous ces cadavres grâce auxquels la victoire avait été obtenue.
    Pour arriver à la victoire, la terre avait été couverte de cadavres d’hommes innocents.
    Même dans la Victoire il n’est pas de Beauté
    Et celui qui la nomme belle
    Est de ceux qui trouvent de la joie dans le massacre,
    Et celui qui trouve de la joie dans le massacre
    Ne réussira pas dans son ambition à gouverner le monde ;
    Des lamentations de deuil devraient accompagner les foules égorgées
    Et la victoire devrait être célébrée en des rites funèbre (8) .
    –  Ce poème est très beau, dit l’officier. C’est vous qui l’avez composé ?
    – Il a été écrit par un Chinois qui a vécu il y a deux mille ans.
    – Écrivez-le-moi, dit l’officier. Je veux l’envoyer à ma famille en Amérique.
    L’officier souriait. Il était probablement en train de penser à sa famille. Mais il se rembrunit aussitôt après et regarda le prêtre d’un regard soupçonneux.
    – Vous êtes bien sûr que les vers que vous venez de réciter ont été écrits par un Chinois ?
    – Absolument sûr, dit le prêtre. Mais si ces vers vous ont plu, qu’importe qu’ils

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