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La 25ème Heure

La 25ème Heure

Titel: La 25ème Heure Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Virgil Gheorghiu
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moment que les documents se trouvent dans mon bureau, il n’y a plus rien à craindre, monsieur Stein, dit-elle.
    – En ce qui me concerne je ne crains rien. Mais pour vous, il vaudrait mieux que vous les brûliez à l’instant même.
    – Combien vous a coûté cette petite opération ? demanda Nora.
    Elle aurait voulu changer le cours de la conversation. Elle s’était rendu compte que le vieillard avait peur. Les documents seraient brûlés. Mais elle voulait d’abord les voir.
    – Exactement 100 ooo lei, dit Léopold Stein.
    – Et votre commission ?
    – Tout compris.
    Eleonora West retira du bureau deux liasses de billets de banque et les tendit au vieillard. Il les mit dans la serviette, renonçant au geste qu’il venait d’esquisser suivant une longue habitude, celui de les compter d’abord.
    – C’est tout ce que j’avais à vous demander, dit Nora.
    Elle voulait rester seule pour lire les documents. Mais le vieillard ne bougea pas.
    – Y a-t-il encore quelque chose ? demanda-t-elle.
    – Non, il n’y a plus rien, répondit Léopold Stein. L’affaire est arrangée autant qu’elle peut l’être.
    – Tout est bien en règle ?
    – Certainement, dit-il. Mais l’affaire ne peut être liquidée que temporairement par la destruction des documents. C’est ce que je voulais vous dire. Je me permets d’attirer votre attention sur ce point parce que j’ai été l’ami et le collaborateur de votre père et parce que je vous ai tenue sur mes genoux lorsque vous étiez petite. Je tiens donc à vous dire que l’affaire n’est arrangée que partiellement par la disparition des documents.
    – Expliquez-vous, dit Eleonora West.
    – C’est assez clair, mademoiselle West. Vous avez voulu posséder les actes prouvant l’origine juive de vos parents. Vous les avez. Je les ai soustraits aux archives.
    – L’affaire est donc réglée.
    – Vous pouvez faire disparaître les documents et non les faits eux-mêmes, dit Léopold Stein. En dépit de tout vous demeurez juive et si quelqu’un veut le prouver…
    – Si quelqu’un veut le prouver il ne pourra pas le faire.
    – Mais ils vous demanderont des papiers.
    – Je me les procurerai, dit-elle. Avec de l’argent je peux avoir tous les papiers que je veux.
    – C’est juste, répondit l’avocat. Mais dès lors nous nous heurtons au Code Pénal. Et il est aussi imprudent de jouer avec le Code qu’avec le feu.
    – Ne venez-vous pas de voler vous-même, ce matin, les papiers des archives de Plœsti ? demanda Nora ironiquement. Alors de quel droit ces leçons de morale ?
    – Ce ne sont pas des leçons de morale, dit le vieillard. Je vous avertis seulement que le jeu est dangereux et que vous ne pourrez pas y jouer indéfiniment.
    – Vous savez bien que c’est la seule solution, dit Nora en allumant une autre cigarette. Je ne peux rien y changer. Du moment que la société m’interdit de vivre ma propre vie, d’avoir une maison, une profession, un mari, je suis prête à lutter avec désespoir, me servant de toutes les armes que j’ai à ma disposition. Je lutte comme un animal blessé. Tous mes instincts de conservation entrent en jeu.
    – Le principal, mademoiselle West, n’est pas de combattre, mais de gagner le combat.
    – Je le gagnerai, dit-elle. Elle écrasa sa cigarette dans le cendrier.
    – Vous croyez vraiment que vous pourrez demeurer longtemps encore propriétaire et directrice du journal ? Jusqu’à présent vous avez refusé de déclarer votre origine juive. Cela n’a été qu’un acte de courage, de jeunesse. Mais vous avez eu de la chance. Par peur, ou par lâcheté, personne n’a osé déclencher une enquête. Il y a eu des dénonciations qui demandaient la réquisition de l’imprimerie et du journal ainsi que le veulent les nouvelles lois ethniques. Vous avez pu acheter ceux qui étaient chargés de l’enquête. Et vous avez de nouveau gagné. Maintenant vous venez de détruire les actes prouvant l’origine juive de vos parents. Et vous avez de nouveau gagné du temps. Mais les lois ethniques sont appliquées avec de plus en plus de sévérité. Aucun juif ne pourra y -échapper. Nous n’en sommes qu’au début. Et c’est pourquoi vous pouvez encore diriger un grand journal bien que vous soyez juive et que la loi vous ait retiré jusqu’au droit de publier un seul article. Mais il faudrait penser à l’avenir.
    – Même à l’avenir je serai la directrice et la propriétaire

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