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La belle époque

La belle époque

Titel: La belle époque Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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l'agitation régnant dans la grande ville. La rue, tracée du sud vers le nord, coupait l'agglomération en deux. A l'ouest, l'anglais dominait nettement; à l'est, les Canadiens de langue française représentaient la majorité des habitants, bien qu'ils ne fussent pas seuls.
    La rue Saint-Laurent devenait en quelque sorte l'axe naturel de pénétration des nouveaux arrivants dans la métropole canadienne. Par vagues successives, ils s'établissaient d'abord près du port, puis remontaient vers le nord le long de cette artère. Des deux côtés, ils trouvaient des logements médiocres et bon marché où s'établir. De nombreux petits commerces portaient des raisons sociales illisibles pour la majorité des habitants et proposaient des marchandises totalement inconnues.
    Un long moment, les garçons examinèrent les passants dont les faciès, les accoutrements de même que les idiomes provenaient des quatre coins de l'Europe.
    —    Babel devait ressembler à cela, remarqua Edouard quand il rejoignit son camarade.
    —Je ne saurais pas m'y habituer, confia Fernand en posant les yeux sur des hommes portant une redingote noire, élimée, leur atteignant les genoux, un chapeau aux larges rebords soulignés de fourrure de vison, de longues couettes de cheveux gris enroulées autour des oreilles.
    —    Québec présente moins de surprises. Nous sommes habitués à nos Anglais, nos Irlandais et nos Ecossais, et pas un d'entre eux ne vient nous bouleverser avec son costume national. Il y a bien dix ans que je n'ai pas vu un concitoyen affublé d'un kilt.
    Devant la grande bâtisse de pierre grise, une foule de jeunes gens se massait près des grandes portes. Tout le rez-de-chaussée du Monument-National s'ornait de majestueuses fenêtres en arc de cercle. Trois étages le surmontaient, reprenant les mêmes thèmes architecturaux.
    Les deux garçons se retrouvèrent à l'arrière d'une longue file d'attente. Leur âge et le sentiment de poursuivre une mission nationale commune, faisaient en sorte que tous discutaient spontanément avec les voisins. Tout de suite, un grand gaillard se retourna en tendant la main.
    —    Edgar Dupré.
    Les deux visiteurs dirent leur nom. Comme leur vis-à-vis portait un « suisse », Edouard demanda :
    —    Vous êtes de l'Association catholique de la jeunesse canadienne-française aussi ?
    —    Oui, dans la section du Collège de Montréal.
    —Je suis au Petit Séminaire de Québec, mon ami à l'Université Laval.
    Une fois les poignées de main échangées, le séminariste demanda encore :
    —    Les rencontres nationalistes suscitent-elles toujours autant d'enthousiasme, ici ?
    —    Depuis deux ou trois ans, oui. En fait, depuis que la Ligue nationaliste a été créée. Ce théâtre est devenu en quelque sorte le quartier général d'Henri Bourassa. Bien sûr, avec les élections qui se tiendront lundi, ce soir il y a un peu plus d'électricité dans l'air.
    Ce constat avait quelque chose d'amusant, puisque parmi les personnes présentes, une faible minorité seulement atteignait l'âge de vingt et un ans, qui donnait le droit de vote. Même Fernand ne pourrait pas déposer son bulletin dans une boîte de scrutin avant son prochain anniversaire, au début de 1909. La mobilisation de tous ces jeunes partisans resterait sans effet direct sur le résultat du suffrage.
    Après quelques minutes, ils purent acheter leur billet pour avoir accès à la première rangée des sièges de la mezzanine. Résolu à ne pas passer la soirée tout fin seul, Dupré se collait à leurs basques, fournissant des explications sur demande à propos des mœurs politiques montréalaises. Bientôt, à l'arrivée sur scène d'un petit homme noir de cheveux, dans un complet étriqué, toute la salle sembla exploser d'applaudissements frénétiques.
    Olivar Asselin, né à Saint-Hilarion, dans le comté de Charlevoix, avait passé une partie de sa jeunesse dans les paroisses canadiennes-françaises des villes industrielles de la Nouvelle-Angleterre, ces fameux petits « Canada » où migraient des dizaines de milliers de personnes de la province de Québec. Revenu dans son pays au tournant du siècle, à trente-quatre ans il était connu de tous ces jeunes gens grâce à ses articles imbibés de vitriol publiés dans Le Nationaliste.
    —    Mesdames, puisque quelques représentantes du sexe faible nous honorent de leur présence ce soir, et Messieurs, je suis très heureux de vous

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