La belle époque
Américains, dont le New-Yorkais Italo Marchioni et l'habitant du Missouri Ernst Hamwi, revendiquèrent l'invention de ce produit. En 1908, ces minces biscuits façonnés en forme de cône, où l'on pouvait mettre une ou plusieurs boules de crème glacée, attisaient toutes les convoitises.
Les membres de la famille se dirigèrent vers le kiosque afin de passer leur commande et Alfred paya. Au moment de revenir sur la terrasse, l'homme regarda Marie dans les yeux, lui tendit son bras. Elle le saisit, le serra de la main en prenant une bouchée de son cornet. Une ondée de larmes lui monta aux yeux.
— Et maintenant, déclara le père, êtes-vous assez courageux pour marcher jusqu'à l'Assemblée législative ? Il paraît que l'édifice sera illuminé.
— D'accord, répondit Thalie. Si nous sommes fatigués en revenant, nous en prendrons un autre.
Sur ces mots, elle mordit dans la friandise et prit la main de son père puis Mathieu, lui, celle de sa mère. Pour un moment du moins, ils incarneraient la famille exemplaire.
Chapitre 18
Le soir du 18 juillet, alors que son séjour à Québec s'achevait, James McDougall vit ses premiers Indiens. Pourtant, ceux-ci ne ressemblaient guère à ce qu'il avait imaginé. Debout près du quai de la gare du Canadien Pacifique, il regardait des hommes, des femmes et des enfants descendre des wagons. D'un côté, tous portaient des vêtements de type européen, ce qui réduisait considérablement l'exotisme. De l'autre, ils présentaient des traits mongoloïdes nettement accusés, des cheveux noirs et raides et une peau très foncée. Certains venaient d'aussi loin que des plaines de l'ouest, les autres de l'Ontario, et quelques-uns des réserves iroquoises de la région de Montréal.
Un grand type dégingandé marcha vers lui. Ses cheveux sombres, d'un noir de corbeau, lui tombaient sur les épaules. Son veston de velours élimé s'ouvrait sur une chemise à moitié boutonnée.
— Monsieur American Horse, demanda James d'une voix hésitante, mais plutôt amusé par le patronyme.
— C'est moi. Vous avez le montant convenu ?
L'assistant de Frank Lascelles chercha dans la poche intérieure de sa veste et sortit une enveloppe épaisse de deux pouces pour la lui tendre. Il remarqua :
— Tous les autres comédiens vont jouer gratuitement.
— Tous les autres comédiens interprètent leur histoire, ils se mettent en scène. Nous venons jouer le rôle des méchants Sauvages. Cela mérite un salaire. Puis ne vous sentez pas trop généreux: deux cents personnes se partageront cinq mille
dollars, pour une semaine de travail.
Bien sûr, venir jouer les Sauvages, d'abord peu disposés à se faire enfoncer la «civilisation» dans la gorge, et ensuite soumis à l'œuvre missionnaire, méritait une compensation.
—Vous avez prévu un moyen de transport pour nous ?
— Cinq voitures de tramway attendent devant la gare. Elles vous conduiront à proximité du campement, mais vous devrez faire la dernière partie à pied.
American Horse retourna auprès de ses compagnons afin de répartir entre eux les bagages à transporter, puis il revint à la tête du groupe vers l'assistant du metteur en scène. Celui-ci ressentit une vague inquiétude à l'idée de servir de guide à ces terribles guerriers. Toute son enfance, il avait dévoré de mauvais romans, payés quelques pennies, racontant les péripéties de la conquête de l'Ouest. Aussi s'attendait-il un peu à entendre retentir un chant de guerre lugubre dans son dos.
En arrivant sur le trottoir, il remarqua plusieurs dizaines de gamins massés près des tramways. Eux aussi, attirés par des articles de journaux accrocheurs, venaient contempler les affreux barbares de leurs manuels d'histoire. Alors qu'hommes, femmes et enfants montaient dans les voitures, il demanda encore à son compagnon :
—Vous avez vraiment fait partie du spectacle des Rough Riders de Buffalo Bill ?
— Pendant une dizaine d'années.
—Vous avez donc participé à ses grandes tournées.
—A Londres, à Paris, à Berlin, énuméra American Horse.
En vérité, cet homme serait le seul véritable professionnel, avec Frank Lascelles, à participer au grand pageant de Québec. Son expérience dépassait d'ailleurs de beaucoup celle de son employeur. En conséquence, son contrat prévoyait que lui
seul dirigerait le travail des figurants d'origine amérindienne.
— Et vous connaissez les
Weitere Kostenlose Bücher