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La bonne guerre

La bonne guerre

Titel: La bonne guerre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Studs Terkell
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de
vies dans cette entreprise. De mon petit groupe de huit, deux ont été tués. Nous
utilisions des explosifs très dangereux, et pour la première fois, en grandes
quantités, des matières radioactives. Une série d’événements nous ont ébranlés.
Nous travaillions très dur, jour et nuit, pour réaliser quelque chose qui n’avait
encore jamais été fait, et nous pouvions très bien échouer.
    Je me souviens d’un soir où j’avais travaillé tard avec mon
ami Louis Slotin. Il a été tué par des radiations accidentelles, et comme nous
faisions le même boulot, ç’aurait tout aussi bien pu être moi. Mais c’était lui
qui était là ce jour-là. C’était un samedi. Nous prenions la quantité de
matière dont nous avions besoin, et nous travaillions seuls dans un laboratoire
étanche avec deux gardes, de neuf heures du matin à trois heures le lendemain
matin. Avec les ombres de la nuit, et un ou deux soldats pour l’assistance
technique.
    Les jeunes recrues, hommes ou femmes, ont joué un rôle très
important dans le travail accompli à Los Alamos. C’étaient des étudiants en
chimie, en physique ou en métallurgie sélectionnés avec soin au moment de la
mobilisation. Ils étaient envoyés à Oak Ridge, et ceux qui avaient été choisis
étaient envoyés à Los Alamos. J’étais le physicien le plus âgé, j’avais
vingt-sept ans. C’était exactement l’âge moyen de tous les chercheurs de Los
Alamos. Nous étions tous jeunes.
    Que devions-nous faire ? Le moment était critique. La
guerre avec le Japon n’était pas encore terminée, notre travail aiderait
peut-être à finir la guerre, sauverait peut-être de nombreuses vies, marquerait
le début d’un monde nouveau. Nous étions déçus de constater que les Nations
unies n’en aient pas entendu parler. Personne n’avait soufflé mot à l’ONU de
toutes les perspectives qui s’offraient. Acheson ne faisait pas mention de l’arme
qui pourrait transformer le monde. Tout cela m’intriguait.
    Puis la terrible nouvelle de la mort subite de Roosevelt
nous est parvenue. Je crois que toute nouvelle orientation en ce qui concernait
la bombe devenait caduque. Car même si Truman avait voulu modifier le cours des
choses – en allant encore de l’avant, et en l’utilisant – les moyens lui en
auraient été refusés. Ses conseillers formaient un trop important groupe de
pression.
    Je ne veux pas dire par là que j’étais opposé à l’utilisation
de la bombe, loin s’en faut. Mais je me demandais si c’était bien ce qu’il
fallait faire. Il nous semblait évident qu’à partir du moment où on la
fabriquait, on l’utiliserait. Mais nous ne savions pas comment cela se ferait. Notre
tâche consistait à terminer la bombe, et à voir si elle marchait. Le monde
entier en dépendait, c’était du moins ce que nous pensions.
    J’ai fait partie de ceux qui ont été choisis pour assurer le
déroulement de l’essai dans le désert : le Trinity test. Il était
question de l’utiliser au Japon, et il avait également été question d’inviter
les Japonais à assister aux essais. Mais il demeurait cette terrible
incertitude : est-ce que ça allait réussir ? Si ça ne réussissait pas
on serait plutôt gênés. (Il rit.) Le 16 juillet elle a explosé en plein
désert.
    Le tir était prévu le lundi matin. Je suis parti le jeudi d’avant,
entouré d’un convoi de véhicules, chargé du transport du noyau, la petite balle
de plutonium. C’était moi qui l’avais conçue. Ce n’était que la seconde fois qu’on
assemblait la bombe avec des explosifs très puissants, et nous avions tous très
peur. Kistiakowsky avait peur pour nous. L’essai que nous avions fait sur la
colline avait réussi. Nous sommes donc descendus dans le désert pour
recommencer. Au pied de la tour, nous avons introduit le noyau de plutonium à l’intérieur
des explosifs, après ça, notre boulot était terminé. C’était fini pour nous.
    Nous sommes retournés au camp de base, exactement à quinze
kilomètres de là, et nous y sommes restés deux jours, à écouter ce qui se racontait,
à suivre notre petit train-train quotidien dans l’attente du jour de l’essai. Le
dimanche soir il a commencé à pleuvoir, et nous n’étions pas sûrs qu’il pût
avoir lieu. Tout le monde était très inquiet. Le matin, juste avant l’aube, la
pluie a cessé.
    J’avais un appareil d’ondes courtes afin de rester en
contact radio avec les gens qui mettaient

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