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La bonne guerre

La bonne guerre

Titel: La bonne guerre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Studs Terkell
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plus débrouillardes.
    Ma mère a pris sept paquets de sucre et deux petites roues d’avion.
Elle est devenue une espèce de Mère Courage. Sur une petite charrette de
fortune elle a rapporté tout son petit butin jusqu’à Francfort, à plus de mille
cinq cents kilomètres de l’endroit où nous avions vécu. Notamment de la soie de
parachute. Pendant des années nous avons porté des corsages faits en soie de
parachute. Après, elle faisait des échanges. Elle a rapporté tout ça à
Francfort et a ouvert, un petit commerce. Notre maison n’avait pas été détruite,
ce qui fait que pendant des années nous avons vécu sur ces marchandises.
    Ma mère était une femme incroyable. Elle voyait toujours le
bon côté des choses. Si les Russes nous volaient, nous les volions. Ils
venaient voler les petits trucs que nous accumulions. Elle leur volait de la
nourriture. Ils venaient nous montrer leurs photos de famille. Ils venaient
nous voir le soir et nous parlaient en petit-nègre de leurs familles. La
plupart des Russes ne savaient pas comment on utilisait les toilettes, ils s’y
lavaient la figure. Les généraux les plus gradés étaient très polis, tous les
autres étaient des brutes. Tous les soirs on montait se cacher sous le toit
parce qu’ils écumaient la ville et violaient toutes les femmes qu’ils
rencontraient.
    Les Américains étaient là depuis cinq jours. Le sixième, les
Russes sont arrivés, et voilà. Je me souviens de deux Américains qui frappaient
à la porte de la maison d’en face, en disant : « Ouvre la porte, Richard,
laisse-moi entrer. » C’est pas une chanson ça ? Je me souviens qu’après,
avec ma sœur, nous rigolions toutes les deux d’avoir eu peur de ces deux types
qui disaient : « Ouvre la porte, Richard. » (Elle rit.)
    On craignait bien plus les Russes parce qu’il courait des
bruits sur la barbarie des hordes russes. C’était l’idée qu’on en avait, justifiée
ou non.
    Il s’est passé une petite scène étrange dans ce village. Je
crois que je vais faire des cauchemars cette nuit. Pendant l’occupation
allemande il y avait des prisonniers parqués derrière des barbelés. Ils
fabriquaient des petits paniers de paille qu’ils vendaient aux villageois. Ma
sœur en a encore un d’ailleurs. Quand les Russes sont arrivés, ils les ont
libérés. Ce sont eux qui ont été les pires. Des illettrés qui se retrouvaient
pour la première fois de leur vie libres d’agir à leur guise envers la
population. Même les Russes avaient d’énormes difficultés à les contrôler. C’étaient
des Ukrainiens qui avaient été faits prisonniers par l’armée allemande.
    Une fois libres, ils sont venus pour se venger sur la
population. Je ne sais pas s’ils l’ont vraiment fait. Les Allemands devaient se
sentir terriblement coupables. La peur panique : « Les Russes
arrivent », gagnait même les enfants.
    Eddie  : Je
n’ai rencontré de prisonniers qu’une fois pendant la guerre. J’étais en
formation à l’école de l’air de Chapel Hill en Caroline du Nord. Nos moindres
déplacements étaient contrôlés du matin au soir. On nous faisait marcher en
formation pour aller à la gigantesque cantine où des prisonniers de guerre
allemands nous servaient nos repas. Nous n’avions pas le droit de leur parler
sauf pour leur donner des ordres. Encore une saucisse, s’il te plaît. Pas
question de fraterniser. J’avais – quoi ? – dix-sept, dix-huit ans. Pour
moi, ils n’étaient que des pauvres larbins inoffensifs au service des Übermenschen. Nous, quoi. Je crois que s’il y avait eu des prisonnières de guerre j’aurais
sûrement été dans un bordel d’État pour en profiter.
    À dix-huit ans, j’étais prêt à tout, un pur produit de la
propagande nationale. D’un côté il y avait les bons, de l’autre les méchants, et
moi j’étais du côté des bons. (À Ursula.) Tes compatriotes et les
Japonais étaient les méchants. J’ai d’excellents amis allemands mais je ne me
sens toujours pas à l’aise vis-à-vis du peuple allemand. Je ne me sens d’ailleurs
pas plus à l’aise avec les petits Blancs du Sud des États-Unis. Les Bavarois, en
particulier, ne m’inspirent pas du tout confiance. Ce sont les Texans des
Teutons. Ils attachent beaucoup d’importance aux apparences et ce sont des
brutes. Je trouve ça ridicule. Je ne connais pas beaucoup de Bavarois, peut-être
une douzaine. Le genre de types qui se mettent en costume régional

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