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La Cabale des Muses

La Cabale des Muses

Titel: La Cabale des Muses Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gerard Hubert-Richou
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de gamine grimper dans les aigus, s’enroua, toussa, s’effaroucha, pleura sans se forcer…
    — A pas peur, garçon, t’as plus rin à craindr’. Tous deux, z’êtes dans une maison honnête. Qu’vous est-i t’arrivé ?
    — Je ne sais pas, je ne sais plus !... temporisa Gautier voyant du coin de l’œil Geoffroy émerger, grimaçant et se massant le crâne.
    Il lui fallait improviser, vite et bien, être persuasive et crédible. Elle se redressa, dodelina étourdie, tangua jusqu’à son compère d’infortune, se jeta à genoux près de lui.
    — Geoffroy, Geoffroy ! Nous sommes sains et saufs. De braves gens nous ont recueillis.
    Elle se tourna et leva les yeux vers les trois sauveurs, plantés en demi-cercle, leur précisa :
    — C’est mon cousin. Puis elle revint à celui-ci : tu te souviens ! Ta mère voulait pas rentrer si tard. Ton père a insisté. Il avait affaire à traiter demain à Paris. Soudain, la voiture a été arrêtée. On a failli verser dans le fossé. Des brigands avaient couché une grosse branche par le travers de la route… Fais un effort !... On a couru tout droit dans les buissons pour leur échapper… Deux de ceux-là nous ont coursés. Ils nous rattrapaient quand une autre voiture est apparue. L’un t’a assommé, si, si ; le second m’a projeté au sol. Après, je me souviens plus de rien.
    Le regard fixe, hypnotisé, la lèvre boudeuse, Geoffroy semblait ne pas comprendre le demi-clin d’œil insistant que lui adressait Gautier, ni le pincement discret sur son bras qui signifiait : « Je n’ai trouvé que ce moyen pour nous tirer de l’embarras où tu nous as plongés. Nous sommes chez l’adversaire, en lieu sûr à condition de jouer serré. »
    — C’est moi, Gautier, ton cousin germain, tu m’remets ?
    Le sacripant éberlué acquiesça d’un lent hochement de tête qui lui arracha un rictus de douleur. Il détailla les trois braves serviteurs.
    — Si tu le dis…, concéda-t-il, ravalant provisoirement sa rancœur.
    — Êtes-vous blessé ? Avez-vous mal quelque part ? s’enquit le plus âgé au crâne oblong entouré de blanc.
    Les deux victimes imaginaires se tâtèrent consciencieusement sans rien déplorer hormis quelques bosses et contusions, feintes pour Lisa.
    — Vous devez avoir faim et soif ?
    — Pour sûr ! lança Gautier. Avec toutes ces émotions ! Que croyez-vous qu’il soit advenu pour les parents d’Geoffroy et l’cocher ?
    — Seul Dieu le sait ! répliqua le vieux serviteur embarrassé. Ne vous tourmentez pas inutilement. Demain, il fera jour. Nous irons aux nouvelles. Les détrousseurs par ici ne cherchent qu’une chose… et « plaie d’argent n’est pas mortelle ».
    Ils tirèrent du garde-manger de quoi les restaurer avec un pichet d’eau claire. La bouche pleine leur évita de répondre à trop de questions.
    — Qu’allons-nous z’en faire ? demanda le garçon d’écurie.
    — Toutes les chambres sont occupées et j’ignore si monsieur… à part la soupente du fond. Ils sont menus et cousins, ils se serreront.
    À l’issue de la collation, les deux « rescapés » furent conduits au deuxième étage par un escalier en colimaçon jusqu’à une chambrette. On leur recommanda le silence : la soubrette, la cuisinière et la camériste de mademoiselle dormaient à côté.
    Gautier accusa un pas de retrait en découvrant l’unique lit haut et étroit. Une nouvelle épreuve ! Elle n’avait pas besoin de celle-là…

XXXII
    L’ ASCENSION DE LA FALAISE n’était pas des plus aisées. L’étroit raidillon s’élevait par paliers brusques et glissants au flanc d’une pente escarpée. Des pierres instables, masquées par la neige encroûtée, se détachaient sous les sabots hésitants et plusieurs fois des cavaliers freinèrent leur bête au bord du précipice. Lebayle se demandait s’il ne devait pas renoncer à son projet hasardeux, par crainte de mettre en danger d’une autre façon (Charybde ou Scylla ?) la vie du jeune prince qui, très habile, s’amusait des déboires de ses compagnons. Des épineux avaient empiété sur le maigre sentier qui disparaissait sous les amas neigeux, les éboulis de pierrailles et les coulées de terre. Ils atteignirent enfin le sommet sans déplorer de blessures, progressèrent plus à leur aise parmi les arbustes rabougris, déformés et sculptés par les vents d’ouest. Personne ne parlait. Seul un silence prégnant régnait en despote

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