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La Cabale des Muses

La Cabale des Muses

Titel: La Cabale des Muses Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gerard Hubert-Richou
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l’intérieur de la caisse, leur parvenait une conversation hachée, animée, incompréhensible. Parfois, l’un haussait le ton ; ils n’avaient pas l’air du même avis. Toutefois, pendant ce temps, ils ne s’intéressaient pas aux passagers clandestins ! Les chevaux prirent de la vitesse, accentuant les secousses ; on était pressé d’arriver…
    Comme d’habitude, les deux comploteurs étaient venus séparément. Comment se faisait-il qu’ils repartent ensemble ? Et se disputent ? L’un devait avoir abandonné son cheval à proximité de l’école… à l’abri, fallait-il espérer !...
    Qu’avait-elle besoin d’échafauder de telles déductions ? Elle se redressa, s’adossa à la malle, piquetée par les gravillons que projetaient les roues. Quel cauchemar ! Tandis qu’elle devrait se pelotonner au fond de son lit… Elle se promit de sauter au premier ralentissement. Un violent heurt les décolla du plancher. L’atterrissage fut brutal. Elle se rattrapa in extremis à la barre du ressort et crut que sa peau allait y rester collée. Avant d’être désarçonnée, elle parvint à caler un talon entre le court rebord et une courroie. Geoffroy n’était pas plus fier, cramponné à plat ventre, jambes ballantes, il se tortillait, rampait pour retrouver une position moins inconfortable. Le défi du vilain collégien tournait à la gageure désespérée. Lisa n’eut pas le cœur de le bouter d’une pichenette bien que l’envie l’en démangeât. Elle le lui signifia sur le ton qu’il utilisait lui-même. Il en resta stupide, hébété.
    La route s’améliora, devint moins bosselée. Ce qui n’était pas forcément une bonne nouvelle. Elle s’engouffra dans le tunnel des arbres. La voiture, que ses seules lanternes éclairaient, fut ralentie par l’obscurité. Lisa sentit des larmes froides baigner ses joues. Son nez était une fontaine. L’envie soudain de hurler la saisit comme une fille fascinée par une petite araignée. Elle ne pouvait se le permettre. La vie n’était donc constituée que de malheurs entremêlés, de calamités, d’épreuves et de détresses ? Dieu du ciel, est-ce ainsi que vous reconnaissez ma piété, ma bonne volonté, mon obéissance ?... Avais-je un moyen d’échapper à ce traquenard et à un sort aussi funeste ?... Comment le cocher parvient-il à se repérer dans cette purée de poix ténébreuse ? Les chevaux voient-ils dans le noir comme les chats et les hulottes ?... Voyagera-t-on toute la nuit ?... Elle tombera de sommeil avant, roulera sur la chaussée inégale, s’y tuera !... À quoi bon, désormais, garder les yeux ouverts ? Pour voir la mort en face, noir squelette dans le noir ! Tout cela, le roulis et le défilement à rebours lui donnaient la nausée… Il serait judicieux qu’elle vomisse… mais du coup déclencherait l’alerte. Ce ne serait pas raisonnable. Et puis, Geoffroy serait trop content de la voir… de voir Gautier flancher… Elle devait tenir, tenir jusqu’au bout du monde et de la nuit…
    Sur sa gauche, elle crut apercevoir le reflet d’une surface liquide, une mare ou un lac. L’impression persistait. La voiture suivit la courbe de la rive mieux éclairée par cette trouée, franchit presque au pas un petit pont de bois sonore, puis redressa sa course. Transie, Lisa oublia sa promesse. « Saint-Mandé », lui souffla à l’oreille son équipier de galère. Il avait mauvaise haleine : lui aussi avait peur ! Tant mieux, il en serait moins tyrannique désormais. Saint-Mandé, elle ignorait dans quel coin de France cela se situait. Très loin de son point de départ, c’était une certitude…
    Comment allaient-ils rentrer aux Muses ? Il n’était pas question de passer la nuit dans cette forêt, par ce froid épouvantable, avec les loups qui rôdaient, et les brigands !
    La voiture ralentit encore, pencha d’un côté et de l’autre à l’abord d’un chemin qui menait à une propriété éclairée, dissimulée entre les arbres. Geoffroy sauta étourdiment. Ses jambes se dérobèrent. Il boula, culbuta, brouta l’humus givré, s’immobilisa, geignit comme un porcelet. Lisa s’interdit d’éclater de rire. Vengeance ! Pourtant, il le méritait ! Forte de cette expérience malheureuse, elle se tourna sur le ventre, prit appui sur ses avant-bras pour descendre dans le sens de la marche, ne lâcha prise que lorsque ses pieds reconnurent le sol. Néanmoins, elle tituba, amortit sa dérive contre

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