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La Cabale des Muses

La Cabale des Muses

Titel: La Cabale des Muses Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gerard Hubert-Richou
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allait se produire… brutal à n’en pas douter. Définitif… Si au moins ne persistait pas cette brume d’outre-tombe !... Un bref coup d’œil vers l’arrière lui confirma qu’ils n’étaient plus que de vagues silhouettes de givre. Celui qui perdait deux pas sur le précédent rompait la chaîne, s’isolait avec ses suiveurs… pouvait-on s’égarer davantage qu’on ne l’était déjà ? Il n’existait plus rien sur la terre des hommes qu’une dizaine d’épouvantails errants… peut-être moins, les derniers déjà engloutis sans un cri par un monstre jailli d’une caverne souterraine… Le délire était-il un ressort ? La peur un stimulant ou un venin paralysant ? Qu’en penserait Affinius, le jovial philosophe félon ? Traître aux Français, mais fidèle à son pays natal. Le terme espion serait-il mieux adapté ?... Le châtiment en serait-il identique ? Quoi qu’il en soit, il fallait lui interdire de nuire davantage. Et pour cela, il était impératif d’échapper à ce piège naturel ! Peut-être qu’en frappant dans ses mains, se lèverait le rideau de ce théâtre de l’absurde ?...
    Le cheval de Géraud hésita !
    De la pointe du sabot, il tâta la roche, s’engagea en avant, descendit les épaules et se bloqua dans cette posture qui déséquilibrait le cavalier, cramponné aux flancs de sa bête par les talons. Devant lui, était-ce le précipice ? Le deuxième cheval heurta du front la croupe du sien ! L’étalon se contracta, ploya les postérieurs, trépigna, dérapa, bascula vers le vide ! Dieu, c’était donc la fin ! Sans même le temps d’une prière… l’antérieur gauche se raidit désespérément, s’enfonça dans la terre friable, s’arrima sur la roche tandis que se déclenchait une avalanche. Un sursaut instinctif le cambra et les trois autres pieds accrochèrent des prises précaires dans la pente. D’un coup de reins qui désarçonna à demi Lebayle, le cheval se propulsa frénétiquement vers un replat suffisant pour rétablir son équilibre en quelques piétinements. Il rajusta son cavalier sur sa selle, s’arc-bouta et souffla fort son angoisse.
    Sur ce versant protégé, la visibilité était meilleure. Il s’en était fallu d’un rien ! Suant, frémissant lui aussi, Géraud recouvra ses esprits. Dans le prolongement de cette minuscule terrasse, s’ouvrait un chemin qui serpentait par la gauche le long de la paroi.
    — Monseigneur, nous sommes sur la bonne voie, affirma-t-il sans y croire.
    — Et les loups ?
    — Ils ne peuvent plus être très loin… Pour votre confort et votre sécurité, il serait préférable que vous tiriez cinq toises sur votre gauche, l’accès au passage en sera plus aisé.
    Lebayle reprit la tête. La descente, en effet, sans être facile y était moins périlleuse. Elle rejoignit bientôt un sentier ordinaire et sans embûches.
    À peine atteignirent-ils la mi-hauteur de cette épine dorsale tortueuse au-dessus de l’Épinay que la plainte modulée d’un grand mâle s’éleva le long de la paroi verticale, emplit l’atmosphère de son lugubre avertissement. Le dauphin contint son cri de joie et jugula son désir de talonner au sang son cheval.
    — Commissaire, je commençais à douter de vos capacités de veneur. Je vous garde à mon service personnel pourvu que vous sachiez nous mener prestement à la meute.
    Géraud se sourit : lui-même ignorait qu’on pouvait être aussi habile chasseur en voulant éviter le gibier !
    — Monseigneur, c’est Diane-Artémis qui éclaire nos pas indécis. Je ne suis que le pilote de votre nef, soucieux de vous amener à bon port et d’échapper aux malandrins qui en voudraient à votre vie.
    — Que me chantez-vous là au lieu de clamer « huée » et « taïaut » retentissants ?
    — C’est que les rabatteurs ne sont pas de notre bord et que leur proie n’est pas la nôtre.
    Ces paroles de mise en garde déguisée que le jeune prince ne voulait pas entendre ne réussirent qu’à l’exciter. Le chemin eut le tort de s’élargir à cet endroit, lui permettant de bondir en avant, de déborder Lebayle et de se lancer en tête. La brèche étant ouverte, ses hommes le suivirent, fascinés par la stature magnifique d’un grand loup gris surgi au centre d’une clairière, à moins d’une portée de boulet.
    Consterné, Géraud sollicita à son tour sa monture, remonta la file, se porta à la hauteur du fougueux écervelé, digne héritier de

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