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La campagne de Russie de 1812

La campagne de Russie de 1812

Titel: La campagne de Russie de 1812 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: André Castelot
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l'avoir interrogé, il l'avait envoyé
vers Saint-Pétersbourg en le priant de dire au tsar qu'il
désirait la paix. Mais il profite de la rencontre pour
demander à l'aide de camp de Barclay d'adresser ses
« compliments » au tsar.

    – Dites-lui
bien, ajoute-t-il, que ni les vicissitudes de la guerre, ni aucune
circonstance ne peuvent altérer l'estime et l'amitié
que je lui porte.

    Alexandre ne
répondra même pas ! Et l'on repart... Que faire d'autre
? « La grande route de Moscou que nous suivions, raconte
le général Girod de l'Ain, est sablonneuse, et l'armée,
marchant en plusieurs colonnes serrées et de front, soulevait
de tels nuages de poussière que l'on ne se voyait pas à
deux pas et que nous en avions les yeux, les oreilles et les narines
remplis, et le visage encroûté. Cette chaleur et cette
poussière nous causaient, comme on peut l'imaginer, une soif
ardente, et l'eau était rare... Me croira-t-on quand je dirai
que j'ai vu des hommes se mettre à plat ventre pour boire,
dans l'ornière, de l'urine de cheval ? »

    En dépit de
ces images peu rayonnantes, en dépit des souffrances endurées
par l'armée, en dépit des perpétuelles dérobades
ennemies, Napoléon semble étonnamment satisfait et, par
moments, se montre expansif. Un soir à son bivouac, peu après
Viasma, l'un de ses officiers l'entend déclarer :

    – La
véritable grandeur ne consiste pas à porter la pourpre
ou un habit gris, elle consiste à se mettre au-dessus de son
état : moi, par exemple, j'ai une bonne place, je suis
empereur, je pourrais vivre au milieu des délices de la grande
capitale, me livrer aux jouissances de la vie et à l'oisiveté.
Eh bien, je fais la guerre pour la gloire de la France, pour le
bonheur futur de l'humanité ; je suis au milieu de vous, au
bivouac, dans les combats, je puis être comme un autre, atteint
d'une balle... Je me mets au-dessus de mon état... Chacun doit
faire de même, dans sa sphère ; c'est là qu'est
la véritable grandeur.

    Il est détendu
comme s'il se trouvait à la chasse en forêt de
Fontainebleau. Pourtant il n'a plus avec lui que cent trente mille
hommes et cinq cent quatre-vingt-sept canons ! Depuis Smolensk, plus
de cinquante mille hommes sont morts, blessés, ou traînent
on ne sait où ! Napoléon est certain qu'il va enfin
pouvoir bientôt livrer bataille. Il semble impossible que
Barclay et Bagration laissent l'envahisseur faire son entrée
dans Moscou sans s'y opposer.

    Que de contrastes
au cours de cette marche vers Moscou ! Le maréchal Ney campe
le plus souvent dans une cabane de feuillage, mais ses aides de camp
s'organisent avec plus de confort : « à quelques
pas de cette cabane, écrit le baron de Bourgoing, un repas de
vingt-cinq couverts, splendidement servi, était disposé
sur le gazon, attendant les nombreux aides de camp et les officiers
conviés, comme moi, au nom du maréchal, par son chef
d'état-major... Ce dîner, servi dans une magnifique
vaisselle plate, assiettes, grands vases, plats et autres accessoires
d'argent, était systématiquement étalé
sur la verte pelouse faisant l'offre d'une table ovale autour de
laquelle nous nous assîmes, ou plutôt nous nous
étendîmes, couchés, appuyés sur nos
coudes, comme les invités d'un somptueux festin des grands
conquérants de l'ancienne Rome. »

    Murat, toujours à
l'avant-garde, est opposé à l'avance à tout
prix. Il a beau dire à l'Empereur que les chevaux sont
épuisés, Napoléon ne veut pas entendre raison.

    – Ils ne
mangent que de la paille des toits, ils ne peuvent plus résister
à la fatigue. On risque de tout perdre en s'engageant plus
avant.

    Mais l'Empereur
hausse les épaules et ordonne d'effectuer quelques travaux
défensifs sur le Dniepr. Il passe des revues. On le voit
s'arrêter successivement devant chaque corps et distribuer des
récompenses. Les colonels nomment successivement les hommes
qu'ils proposent pour avoir de l'avancement, des dotations ou la
croix.

    – L'a-t-il
mérité ? demande l'Empereur en se tournant vers les
autres officiers.

    Et si leur
suffrage est unanime, Napoléon décide :

    – Accordé
!

    *****

    Sur ces
entrefaites, Alexis Araktcheïev, toujours président du
comité militaire du conseil impérial, reçoit
cette longue lettre que Bagration lui a écrite en français
: « L'ennemi attaque sans un coup de feu. On se met à
reculer, je ne sais pas pourquoi. Personne à l'armée ne
croira que nous ne sommes pas vendus. Je ne peux

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